Température clémente et ciel grisonnant au Festival international de piano de La Roque d’Anthéron (Bouches-du-Rhône), où une cohorte monte la rue Adam-de-Craponne qui mène à l’Auditorium Centre Marcel Pagnol. S’y est produit à 18 heures, mercredi 23 juillet, un des espoirs de l’école russe. Le jeune Vladimir Rublev a 14 ans depuis le 14 juillet, mais sa silhouette enfantine lui en enlève facilement deux. Une comptabilité dont se fiche l’adage cornélien qui veut qu’aux « âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années ». Citation vérifiée dès la Toccata et fugue en ré mineur BWV 565 dans la transcription de Ferruccio Busoni, d’une rhétorique soignée, manquant un peu de liberté. Tête bouclée et petites lunettes qu’il remontera régulièrement sur son nez, le génial adolescent a concocté un programme très substantiel, comme s’il voulait donner la pleine mesure de son indéniable talent.
La Sonate nᵒ 14, dite « Clair de lune », de Beethoven, dont les deux premiers mouvements sont joués de manière un peu appliquée, ne permet pas de rencontrer véritablement l’interprète. Il faudra toute la fougue du Presto agitato final pour que quelque chose s’ouvre dans l’extraversion de la virtuosité. Le pianiste est encore étudiant à la fameuse Ecole Gnessine de Moscou, où il a comme professeur le démiurge Boris Berezovsky, qui fut longtemps un habitué des lieux et de la France, avant que son soutien public à la guerre en Ukraine au cours d’un show télévisé n’entraîne sa disgrâce. C’est avec la rare Sonate nᵒ 3, de Prokofiev, prise à un train d’enfer, que Vladimir Rublev épanouira enfin son impressionnant piano et son tempérament d’artiste : de la couleur, de la respiration, de l’imagination.
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