Il neige à petits flocons sur les pimpantes gentianes qui n’ont pas l’air dérangées pour un sou. En cette toute fin de mai, au jardin du Lautaret, à Villar-d’Arêne (Hautes-Alpes), les fleurs alpines fraîchement écloses prennent un léger coup de froid sans moufter, tout comme leurs camarades en bourgeon. « Vous verrez, dans une quinzaine, tout va exploser ! », lâche, encagoulé jusqu’au nez, Grégory Darragon, le chef jardinier de cette singulière collection botanique, perchée à 2 100 mètres, sur l’un des cols de montagne les plus célèbres des amateurs de courses de vélo, à cheval entre l’Oisan et le Briançonnais. On peine à le croire, gelée qu’on est.
Pour l’instant, les quelque 2 000 espèces de climat alpin du monde entier, réunies sur 2 hectares dans un décor naturel de toute beauté, semblent d’ailleurs plutôt prises en sorbet. Mais c’est mal connaître ces montagnardes dont les familles en ont vu d’autres. Si les gentianes font la course en tête, le gros du peloton est sur les starting-blocks pour donner le meilleur d’ici peu.
Imaginez plutôt. Venue des Andes, la benoîte de Magellan, dont on n’aperçoit qu’une feuille ensevelie sous une fine couche de neige, affichera bientôt son plus bel orange. Au bord d’un petit bassin, ce qui ressemble à un tapis d’herbes gelées cache en réalité le buplèvre doré et ses minuscules fleurs jaunes qui couvrent habituellement les plaines de Sibérie. Ces becs-de-grue à feuille d’absinthe, originaires du Taurus turc, n’attendent qu’un signal pour sortir leur rose pâle. Les tiges de pivoine de Wittmann qui se dressent, pourpres, comme des champignons, sont en réalité du Caucase. Tout comme ces berces, une plante phototoxique, qui, pour l’instant, ne forment que des plumeaux verts s’ébrouant sous la neige mais qui ressembleront, dans quelques semaines, à des parasols, masquant les majestueux glaciers de la Meije de l’autre côté de la vallée de la Romanche.
Il vous reste 76.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.