Meilleures Actions
Histoires Web mercredi, octobre 29
Bulletin

Une opération policière menée, mardi 28 octobre, dans des favelas de Rio de Janeiro contre l’un des gangs de narcotrafiquants du Brésil est devenue la plus meurtrière de l’histoire de cette grande ville du sud-est du pays. Au moins 64 personnes sont mortes dans ces raids qui ont parfois tourné à des scènes de guerre avec des tirs intenses, des barricades et des incendies.

Les opérations musclées des forces de l’ordre sont, malgré leur efficacité contestée, fréquentes à Rio. Ils visent notamment les favelas, quartiers pauvres et densément peuplés vivant souvent sous le joug de trafiquants de drogue. Mais l’opération de mardi, par son ampleur et sa violence, a créé un choc. Jusqu’au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, qui s’est dit « horrifié » et a demandé des « enquêtes rapides ».

L’opération, mobilisant 2 500 agents, s’est concentrée sur deux ensembles de favelas du nord de Rio – Complexo da Penha et Complexo do Alemao –, situées à proximité de l’aéroport international. Le gouverneur de droite de l’Etat de Rio, Claudio Castro, a annoncé que « 60 criminels » avaient été « neutralisés ». Quatre policiers ont été également tués, a dit à l’Agence France-Presse (AFP) une source au sein de ses services.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Au Brésil, la difficile lutte pour la justice des familles de mineurs tués par la police

Des bus utilisés comme barricades

A l’hôpital Getulio Vargas, d’où l’on entendait les rafales tirées non loin, un défilé ininterrompu de véhicules déposait devant l’entrée des cadavres et des blessés par balles, policiers, délinquants présumés ou simples habitants, a constaté un photographe de l’AFP. A Vila Cruzeiro, une favela du Complexo da Penha, des policiers lourdement armés gardaient une vingtaine de jeunes hommes interpellés. Serrés les uns contre les autres, ils étaient assis par terre la tête baissée, pieds et torse nus.

Jusqu’à présent, l’opération policière la plus meurtrière à Rio, ville de plus de 6 millions d’habitants, avait eu lieu durant la pandémie de Covid-19, en 2021, quand 28 personnes étaient mortes en une seule journée dans la favela de Jacarezinho.

Lire aussi le reportage | Article réservé à nos abonnés A Rocinha, la favela la plus densément peuplée du Brésil

Le gouverneur a aussi annoncé l’arrestation mardi de « 81 criminels », ainsi que la saisie de 75 fusils d’assaut et d’« une énorme quantité de drogue ».

« Plus de 200 000 résidents demeurent affectés par la fermeture des écoles et les unités de santé aux services suspendus », a fait savoir l’Assemblée législative de l’Etat de Rio.

Stratégie courante des gangs lors des affrontements avec la police, « plus de cinquante bus ont été utilisés comme barricades », a précisé le syndicat des entreprises d’autobus de Rio.

Environ 700 morts par an

L’opération vise à « combattre l’expansion territoriale du Comando Vermelho [Commando rouge] », l’une des principales factions criminelles du Brésil, implantée dans plusieurs Etats du pays, a précisé le gouvernement de l’Etat de Rio sur le réseau social X. Les policiers ont mobilisé deux hélicoptères, 32 véhicules blindés et « douze véhicules de démolition » utilisés pour détruire des barricades.

Le gouverneur Claudio Castro a publié sur X une vidéo d’un drone lançant un projectile depuis le ciel nuageux. « C’est comme ça que la police de Rio est reçue par les criminels : avec des bombes lancées par des drones », a commenté cet allié de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro, dénonçant du « narcoterrorisme ».

Lire aussi le reportage | Article réservé à nos abonnés L’Etat de Bahia, bastion de Lula, connaît une explosion des violences policières : « Leurs méthodes ressemblent souvent à celles d’une milice »

Des spécialistes et organisations de défense des droits humains critiquent la stratégie des forces de sécurité, la jugeant peu efficace contre les organisations criminelles. « Une opération policière qui entraîne la mort de plus de 60 habitants et policiers est une énorme tragédie », a déclaré César Munoz, directeur de l’ONG Human Rights Watch au Brésil. Il a réclamé l’ouverture d’enquêtes sur « chaque mort ».

« La politique de Claudio Castro traite les favelas comme des territoires ennemis, où règne le permis de tuer », a accusé le député de gauche Henrique Vieira.

La commission des droits de l’homme de l’Assemblée législative de Rio a annoncé qu’elle exigerait « des explications sur les circonstances de l’action, qui a de nouveau transformé les favelas de Rio en un théâtre de guerre et de barbarie », selon Dani Monteiro, présidente de la commission.

En 2024, environ 700 personnes sont mortes lors d’interventions des forces de l’ordre à Rio, soit presque deux par jour.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Share.
© 2025 Mahalsa France. Tous droits réservés.