La Cour suprême du Brésil a décidé mercredi 26 mars d’ouvrir un procès contre l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro, pour projet présumé de coup d’Etat, une décision historique qui plombe ses aspirations de retour au pouvoir.
Par cinq votes à zéro, les magistrats ont estimé disposer d’éléments suffisants pour que l’ancien chef de l’Etat soit jugé après avoir été accusé d’avoir pris la tête d’une « organisation criminelle » ayant conspiré pour son maintien au pouvoir malgré sa défaite électorale en 2022 face à Luiz Inacio Lula da Silva, le président en exercice.
Cette décision est historique, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). L’ex-président (2019-2022), absent à l’audience de mercredi, se dit victime de « la plus grande persécution politico-judiciaire de l’histoire du Brésil ».
Nostalgique assumé des années de plomb, l’ex-capitaine de l’armée, 70 ans, est accusé par le parquet d’avoir ourdi de longue date une conspiration pour se maintenir au pouvoir « à tout prix ». Selon les enquêteurs de la police fédérale, après la défaite, les présumés conspirateurs auraient œuvré à l’élaboration d’un décret prévoyant la convocation d’un nouveau scrutin, mais aussi projeté l’assassinat de Lula, de son vice-président élu, Geraldo Alckmin, et d’Alexandre de Moraes, un juge de la Cour suprême.
Les chefs d’accusation sont gravissimes : « coup d’Etat », « tentative d’abolition violente de l’Etat de droit démocratique » et « organisation criminelle armée ». Jair Bolsonaro encourt une peine cumulée pouvant dépasser les quarante ans de prison.
Même si la législation brésilienne ne prévoit aucun délai précis pour la tenue de ce procès, « on peut s’attendre à ce que [l’ex-président] soit jugé d’ici à la fin de l’année » pour éviter toute interférence avec l’élection présidentielle de 2026, explique à l’Agence France-Presse (AFP) Enzo Fachini, avocat spécialiste en droit pénal de la Fondation Getulio Vargas.
Inéligible jusqu’en 2030 en raison de ses attaques sans preuves contre les urnes électroniques, Jair Bolsonaro espère encore voir cette sanction annulée ou réduite pour lui permettre d’être de nouveau candidat en 2026. Mais une condamnation pour complot contre la démocratie brésilienne briserait cet espoir. Et forcerait son camp à lui choisir un successeur, alors que le jeu semble ouvert face à un Lula plus impopulaire que jamais, sur fond d’inflation.
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Alexandre de Moraes, puissant juge honni du camp Bolsonaro, qui voit en lui un « dictateur », a été le premier à voter mercredi pour l’ouverture d’un procès contre l’ex-président. Invoquant l’« intérêt personnel » du juge en tant que potentielle victime d’un projet d’assassinat, la défense avait tenté d’obtenir sa récusation, en vain. Elle n’a pas davantage pu écarter deux autres membres du « Supremo » : un ancien ministre de Lula, Flavio Dino, et l’ancien avocat de l’actuel chef de l’Etat, Cristiano Zanin.
Les magistrats ont également décidé d’ouvrir un procès contre sept autres conspirateurs présumés, dont les anciens ministres Walter Braga Netto (défense) – le candidat de Jair Bolsonaro à la vice-présidence en 2022 – et Anderson Torres (justice), ainsi que l’ancien commandant de la marine Almir Garnier Santos.
Selon l’accusation, le coup d’Etat n’a pas eu lieu faute de soutien de la part d’autres membres du haut commandement de l’armée brésilienne.
Cherchant à démontrer que la démocratie brésilienne a frôlé le désastre, l’accusation s’appuie aussi sur les événements du 8 janvier 2023 à Brasilia. Une semaine après l’investiture de Lula, des milliers de sympathisants bolsonaristes avaient envahi et saccagé les bâtiments de la Cour suprême, du Parlement et du palais présidentiel, criant à la fraude électorale et appelant à une intervention militaire.
M. Bolsonaro, qui se trouvait alors aux Etats-Unis, dit avoir réprouvé les « actes violents » commis ce jour-là. Dos au mur, Jair Bolsonaro veut croire aujourd’hui que Donald Trump, « ami » et modèle politique, jouera de son « influence » en sa faveur.