La sanction est lourde et va au-delà des dix ans de réclusion requis par le procureur. Olivier Boko et Oswald Homeky, qui comparaissaient depuis le 21 janvier à Cotonou devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), ont été condamnés, jeudi 30 janvier, chacun à vingt années de réclusion criminelle et 4,5 milliards de francs CFA (6,8 millions d’euros) d’amende. Ils devront aussi payer 60 milliards de francs CFA de dommages et intérêts à l’Etat béninois conjointement avec le beau-frère de M. Boko, actuellement en fuite. La justice les a reconnus coupables de « complot contre la sûreté de l’Etat » et « corruption d’agent public ».
Avant leur arrestation en septembre 2024, les deux hommes faisaient partie du premier cercle du président Patrice Talon. A l’aube de ses 60 ans, Olivier Boko était un puissant homme d’affaires, à la tête du groupe Denrées et fournitures alimentaires. Ami du chef de l’Etat depuis plus de vingt ans, il était présenté comme son probable successeur, bien qu’il n’ait jamais occupé de fonction officielle dans ses différents gouvernements.
Début 2024, M. Boko avait commencé à afficher ses ambitions pour la prochaine élection présidentielle, fixée en avril 2026, à laquelle M. Talon, qui effectue actuellement son second mandat, ne pourra se présenter selon la Constitution béninoise. Patron également de Bénin Control, une société chargée de vérifier les importations au port de Cotonou, celui-ci avait même lancé son propre comité de soutien. Son nom, OB 26, ne laissait alors planer aucun doute sur son ambition présidentielle. Olivier Boko était alors soutenu dans sa démarche par Oswald Homeky, 38 ans, ancien ministre des sports de 2016 à 2023 et proche également de Patrice Talon.
Avant d’arriver à son terme, le procès des deux hommes a connu son lot de rebondissements et de suspensions d’audiences. Il s’est déroulé sans la dizaine d’avocats chargés d’assurer la défense des accusés. Au premier jour des débats, le 21 janvier, les conseils d’Olivier Boko et Oswald Homeky, après avoir annoncé que leurs clients plaidaient non coupables, avaient demandé à être dessaisis du dossier pour cause « d’irrégularité de la composition de la cour ». Celle-ci était composée de trois magistrats au lieu de cinq comme l’impose le code de procédure pénale.
Un coup d’Etat « comme celui contre Bazoum au Niger »
Ils ont ensuite dénoncé le fait que la présidente du tribunal, Chrystelle Adonon, avait des liens de nature « à jeter le doute sur son impartialité ». La présidente de la Criet serait en effet « très proche du couple présidentiel », selon un avocat béninois souhaitant conserver l’anonymat.
Le procès a ensuite connu plusieurs reports, faute d’avocats. Les débats ne sont véritablement entrés dans le vif du sujet qu’une semaine après l’ouverture du procès. Le commandant de la garde républicaine, le colonel Djimon Dieudonné Tévoédjrè, a été l’un des premiers témoins à se présenter à la barre. Ce personnage central de l’affaire a expliqué comment Oswald Homeky, ancien « protégé » de Patrice Talon, aurait tenté de le soudoyer dans le but de fomenter un coup d’Etat « comme celui contre Bazoum au Niger », en juillet 2023, et comment il lui aurait proposé de diriger ensuite la future junte béninoise.
« Mais je n’ai jamais discuté de coup d’État avec Olivier Boko », a toutefois affirmé celui qui est en charge de la sécurité du chef de l’Etat, de sa famille et du gouvernement depuis 2016. Reste que pour le procureur Mario Metonou, seul l’homme d’affaires avait des moyens financiers susceptibles de financer un putsch estimé à 1,5 milliard de francs CFA. Lors des débats, a également été évoqué le rôle de Rock Nieri, le beau-frère en fuite d’Olivier Boko, qui aurait participé à la tentative de corruption du colonel Tévoédjrè. Il a été condamné par contumace à vingt ans de prison.
« Je suis innocent, je suis du système »
Si trois autres accusés dans cette affaire ont été acquittés, les noms d’Olivier Boko, Oswald Homeky et Rock Nieri viennent s’ajouter à une liste déjà longue de personnalités politiques et médiatiques condamnées par la Criet, une juridiction créée en juillet 2018. Parmi les opposants les plus célèbres, Reckya Madougou, ancienne garde des sceaux, a été condamnée en décembre 2021 à vingt ans de prison pour « terrorisme ». La même année, Joël Aïvo, célèbre professeur de droit, avait quant à lui été condamné à dix ans de réclusion criminelle pour « blanchiment de capitaux » et « atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Restez informés
Suivez-nous sur WhatsApp
Recevez l’essentiel de l’actualité africaine sur WhatsApp avec la chaîne du « Monde Afrique »
Rejoindre
« Les magistrats qui siègent à la Criet sont nommés par décret en conseil des ministres, déplore Ludovic Hennebel, professeur à la faculté de droit d’Aix-en-Provence et avocat de Joël Aïvo. Leur nomination élimine toute garantie d’indépendance. Cela conduit à des procès manifestement biaisés, des simulacres de justice. Ces jugements illustrent l’absence d’impartialité et d’indépendance de la justice béninoise. »
« Je suis innocent, je suis du système », a tenté Olivier Boko pour se défendre, quelques heures avant que la Cour prononce sa sentence. Même s’il a affirmé à plusieurs reprises qu’il ne se représenterait pas, l’éventuelle candidature de Patrice Talon à un troisième mandat en 2026 continue d’alimenter les discussions au Bénin.