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Le 7 août, à 3 heures, le prisonnier numéro 116 est soudainement réveillé par ses geôliers. Comme à chaque fois qu’il quitte sa cellule de 2 mètres sur 3, ses mains sont menottées, ses yeux bandés, sa tête recouverte d’une cagoule. Ses proches sont sans nouvelles de lui depuis qu’il a été enlevé par les forces de sécurité du gouvernement du Bangladesh, le 9 avril 2019. Après plus de trois heures de route, le minivan dans lequel il a été embarqué avec trois hommes armés s’arrête au beau milieu d’une rizière. « N’appelle pas au secours. Dans une demi-heure, tu pourras t’enfuir », lui promettent ses matons. De longues minutes passent, l’homme s’accroupit, persuadé de l’imminence des coups de feu. « J’étais convaincu qu’ils allaient m’abattre », raconte aujourd’hui Michael Chakma, 45 ans, défenseur des droits des populations indigènes de la région des Chittagong Hill Tracts, que Le Monde a rencontré dans l’arrière-salle d’un café de Dacca, à l’abri des regards. Par mesure de sécurité, il était accompagné d’un membre de son parti.

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De sa prison il n’a rien su, rien entendu, mais le Bangladesh vient de vivre une révolution inimaginable. Après quinze ans de règne autoritaire, la première ministre Sheikh Hasina, 77 ans, responsable de sa disparition, a été chassée le 5 août par un mouvement étudiant de masse. Un gouvernement intérimaire, dirigé par le Prix Nobel de la paix 2006, Muhammad Yunus, a pris ses fonctions trois jours plus tard. Les bourreaux de M. Chakma ont profité du chaos pour l’abandonner dans une région forestière proche de Chittagong, à quelque 200 kilomètres de Dacca. Pour la première fois en cinq ans, il a aperçu la lumière du jour.

Des traces de la révolution de l’été 2024 encore visibles dans les rues de Dacca, au  Bangladesh, le 11 septembre 2024.

Dans la foulée de la chute de la « bégum de fer », au moins trois autres personnes ont refait surface dans des circonstances similaires. Parmi elles, Ahmad Bin Quasem, fils d’un industriel associé au Jamaat-e-Islami, le plus grand parti islamiste du Bangladesh. Après huit ans de détention, l’homme est jeté dans un fossé de la banlieue de Dacca dans la nuit du 6 août. Abdullahil Amaan Azmi, ancien militaire enlevé en 2016, fils de l’un des dirigeants du Jamaat, est lui aussi libéré le 6 août. Atiqur Rahman Rasel, un chef étudiant du Bangladesh Nationalist Party (BNP, Parti nationaliste du Bangladesh), principal parti d’opposition sous Mme Hasina, est largué à une trentaine de kilomètres de Dacca, le 7 août. Il avait disparu depuis trente-sept jours.

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