PLANÈTE+ – VENDREDI 8 NOVEMBRE À 20 H 55 – SÉRIE DOCUMENTAIRE
C’était il y a tout juste vingt ans. Le 11 novembre 2004, usé par une vie de luttes, de clandestinité, d’exil, et sans doute par la désillusion de n’être pas parvenu à voir naître un Etat palestinien, Yasser Arafat rendait les armes à l’hôpital militaire de Percy, à Clamart (Hauts-de-Seine). Loin de la terre où il affirmait être né, en 1929 – même si sa naissance est attestée au Caire –, et d’un peuple dont il aura incarné pendant un demi-siècle le combat pour la reconnaissance de ses droits.
Insaisissable pour les Israéliens, qui n’eurent de cesse vouloir l’éliminer (au point qu’après sa mort Souha, sa veuve, soupçonna le Mossad de l’avoir empoisonné), Arafat l’est presque autant pour les auteurs du documentaire, qui tentent de lever le voile sur les mystères et les rumeurs qui entourent sa vie dans un récit aux allures de thriller. Un parti pris, selon les documentaristes, susceptible de séduire le grand public et les plus jeunes.
Richesse du corpus d’images
Ainsi, misant davantage sur la dramaturgie que sur le souci didactique – pourtant essentiel sur un sujet aussi complexe –, Fabrice Gardel et Florian Uzan (conseillés par l’historien et professeur au Collège de France Henry Laurens) contextualisent peu leur propos et les archives. Une faiblesse compensée en partie par la richesse du corpus d’images, parfois rares, provenant de fonds russes, italiens ou de la Fondation Arafat.
Au fil d’une narration où s’entremêlent scènes historiques majeures – telle la fameuse poignée de main entre Arafat et Yitzhak Rabin à la Maison Blanche, sous le regard de Bill Clinton, lors des accords d’Oslo, en 1993 –, des extraits d’entretiens, de discours, de films de propagande, mais aussi des moments plus intimistes, se déploie le récit autant d’un combat que d’une métamorphose : celle du combattant du Fatah en chef d’Etat et prix Nobel de la paix. Métamorphose qui tendra d’ailleurs à modifier l’image même de la cause palestinienne, étroitement associée au terrorisme, en particulier dans les années 1970-1980.
C’est là d’ailleurs que, lentement, s’opère sa mue. Grâce, notamment, au chancelier autrichien, Bruno Kreisky (1911-1990), juif et antisioniste, avec lequel Arafat entretiendra une amitié houleuse. Par son entremise, en novembre 1974, le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est invité pour la première fois à l’Organisation des Nations unies où, dans un discours qui fera date, il s’exclame : « Je suis venu tenant d’une main un rameau d’olivier et de l’autre un fusil de combattant de la liberté. Ne laissez pas le rameau d’olivier tomber de ma main. »
Commence alors un long parcours fait d’une intense activité tant diplomatique que médiatique – l’homme au keffieh et aux lunettes noires eut toujours une conscience aiguë du poids des médias ; mais aussi d’un art de la duplicité et du clientélisme pour asseoir son autorité sur les différents courants de résistance et unir un peuple éparpillé entre exil et territoire occupé. Et surtout d’importantes concessions, qui aboutiront aux accords d’Oslo, en 1993.
De ces accords naîtra l’espoir d’une paix possible, que les plus radicaux des deux camps s’acharneront à faire échouer. Les mêmes qui, trente ans plus tard, ont replongé la région dans un nouveau cycle de violence.
Arafat, l’insaisissable, série documentaire de Fabrice Gardel et Florian Uzan (Fr., 2022, 4 × 26 min).