A Bruxelles, en plein cœur de l’été, Pascal De Buck, le patron de Fluxys, l’entreprise belge de transport et de stockage de gaz, a pris acte, sans grand enthousiasme, du nouveau paquet de sanctions décidé en juin par l’Union européenne contre la Russie. « Nous allons évidemment les mettre en œuvre, mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît », confiait-il, samedi 10 août, au journal belge L’Echo.
Car, pour la première fois depuis que Moscou a déclenché la guerre contre l’Ukraine, en février 2022, l’Union européenne (UE) a décidé de s’attaquer partiellement au commerce du gaz russe, par le biais de sanctions. En effet, à partir du mois de mars 2025, il sera interdit de « transborder » du gaz naturel liquéfié (GNL) russe sur des bateaux accostés dans les ports européens.
L’interdiction se focalisera donc uniquement sur la réexportation de gaz et épargnera les importations de GNL russe destinées au marché européen. « La décision de sanctionner le transbordement du gaz russe est un signal positif, même si le délai d’application est long et qu’il contribuera indirectement au financement de l’effort de guerre russe pendant six mois de plus », commente Nadia Cornejo, porte-parole de Greenpeace Belgique.
L’ONG de défense de l’environnement n’a cessé depuis 2022 de dénoncer le rôle de Fluxys comme « sponsor de guerre », évoquant ses infrastructures de stockage et de transbordement qui facilitent l’enrichissement du régime de Vladimir Poutine par le commerce du gaz.
« Sponsor de guerre » : le terme est aussi celui employé par le gouvernement ukrainien, qui, dès 2023, a inscrit Fluxys sur sa « liste noire ». Confrontée à ces accusations, la société estimait alors être pieds et poings liés par un contrat de long terme d’une valeur de 1 milliard d’euros, signé pour vingt ans avec l’entreprise Yamal LNG, détenue à 50,1 % par l’énergéticien russe Novatek et à 20 % par le français TotalEnergies.
« Compromis politiques »
Dans le port belge de Zeebruges, situé sur la mer du Nord, Fluxys non seulement propose ses infrastructures de transbordement de bateau à bateau, à l’instar du terminal de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), mais met aussi à disposition de Yamal LNG, depuis 2019, le seul entrepôt de stockage de GNL d’Europe. Les infrastructures de Zeebruges permettent par ailleurs la regazéification du gaz avant injection dans les réseaux belge et européen.
Le port s’est ainsi hissé au rang de premier importateur de gaz russe, devant celui de Montoir, et n’a cessé d’accroître ses importations à mesure que la guerre faisait rage. De 2020 à 2023, le flux de GNL russe en direction de Zeebruges a augmenté d’environ 19 %. Sur l’ensemble du volume de gaz russe arrivé là-bas au premier semestre 2024, un peu plus de la moitié a été injecté dans le réseau européen, souvent en direction de l’Allemagne. Le reste a donc été « transbordé » sur d’autres bateaux − la plupart pour des destinations lointaines −, dont environ 12 % vers des ports européens.
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