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Si la durée nécessaire aux changements dans l’Eglise catholique se mesure le plus souvent en décennies, voire en siècles, les douze années du pontificat du pape François, mort lundi 21 avril à l’âge de 88 ans, auront été marquées par son intense volonté d’en déplacer les priorités – de l’Europe vers le monde entier, du dogme vers les réalités sociales et sociétales –, de s’adresser aux autres religions et aux non-croyants et de sortir l’institution de ses maux profonds – mauvaise gouvernance, scandales financiers et sexuels – enfin extirpés du secret. En cela, le pape, disparu très symboliquement au lendemain du dimanche de Pâques, s’inscrit parmi les héritiers du concile Vatican II (1962-1965) qui, après la seconde guerre mondiale, a ouvert le catholicisme sur le monde, encouragé l’engagement aux côtés des déshérités, favorisé le dialogue interreligieux et posé les questions cruciales de la place des femmes et du célibat des prêtres.

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Dans chacun de ces domaines, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, fils d’immigrés italiens, premier pape jésuite et issu du Sud, aura, sinon changé la donne, du moins laissé une empreinte marquante. Ainsi, en introduisant l’écologie dans le corpus théologique catholique avec l’encyclique Laudato si’ (2015), il aura accompli un pas comparable à celui de son prédécesseur Léon XIII qui, en 1891, y avait intégré la question sociale.

Son attachement aux traditions de l’Eglise n’aura pas empêché François de tendre la main aux couples homosexuels et aux divorcés remariés. Et sa défense de la vie ne se sera pas arrêtée à la condamnation de l’avortement, intégrant la défense des laissés-pour-compte de l’économie, la dénonciation des ventes d’armes et le refus de la peine de mort.

A une époque marquée par la montée des inégalités et la violence sociale, l’ancien chef de l’Eglise catholique restera aussi comme celui qui a placé les pauvres au centre de son discours et fustigé ce « désir sans retenue de l’argent qui commande ». En ces temps de nationalisme et de xénophobie, il aura porté haut et fort la cause des immigrés et des réfugiés, en dénonçant « la mondialisation de l’indifférence » à leur égard.

Soucieux des équilibres de l’institution

Sous le pontificat de François, l’Eglise aura cessé de mettre sous le tapis certaines de ses turpitudes, comme l’opacité de ses finances et les dysfonctionnements de la curie romaine, sans toutefois y remédier tout à fait. Ni la question centrale de la place des femmes, ni celle de l’ordination de prêtres mariés, ni celle de l’accueil des couples de même sexe, vigoureusement combattues par des pans entiers de l’Eglise, notamment en Afrique, n’auront connu d’avancée concrète.

Après avoir tardé à reconnaître l’immense scandale des abus sexuels, le pape aura certes légitimé la parole des victimes. Mais il aura continué à refuser d’en reconnaître le caractère systémique et maintenu dans l’ombre leur ampleur, voire leur réalité, dans bien des régions du monde.

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Soucieux des équilibres de l’institution, François aura eu à gérer une contradiction : alors que l’Eglise catholique est en perte de vitesse aussi bien en Europe qu’en Amérique latine, les pays où elle a le plus le vent en poupe, en particulier sur le continent africain, sont aussi ceux où sont rejetées le plus vigoureusement les évolutions sur le plan de la sexualité et des mœurs.

Apôtre de la bienveillance, plus attentif au sort des pauvres qu’aux normes morales, préférant l’ouverture sur le monde et l’écoute des autres au repli sur soi, le pape François disparaît précisément au moment où les forces qui s’opposaient à ses choix se renforcent, voire s’imposent dans plusieurs régions du monde, à commencer par les Etats-Unis.

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Ironiquement, le souverain pontife a rendu son dernier souffle peu de temps après avoir reçu brièvement le vice-président américain, J. D. Vance, figure de proue de la réaction catholique aux Etats-Unis. Seul le temps long dira si, au-delà du pontificat de François, l’Eglise romaine sera capable de rejeter durablement l’impasse identitaire et la tentation conservatrice présentes sur tous les continents et si clairement combattues par le chef qu’elle vient de perdre.

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