Depuis le début de son assignation à résidence, il y a plus de vingt-cinq ans, Garbis Dilge n’avait quasiment jamais quitté le département de la Creuse. Il a fini par y décéder à l’âge de 68 ans, des suites d’une grave maladie et totalement seul, à l’hôpital de Sainte-Feyre, ont annoncé ses avocats, le 5 mars. Nul ne sait où il sera enterré pour le moment, la décision est entre les mains de la préfecture… de la Creuse.
Garbis Dilge était probablement le plus ancien assigné à résidence de France. Né en Turquie et d’origine arménienne, il était sous le coup d’un arrêté d’expulsion et de deux interdictions judiciaires du territoire français émises dans les années 1990, après des condamnations pour détention de stupéfiants et d’armes. Mais comme il bénéficiait du statut de réfugié depuis les années 1970, il était inexpulsable à la fin de sa peine de prison en 1999.
Le Monde l’avait rencontré dans le village d’Auzances, 1 200 habitants, où il résidait depuis quelque temps après avoir été assigné pendant des années à Aubusson. Il ne se plaisait pas dans la Creuse et voulait retrouver la région parisienne, où il avait de la famille éloignée.
Depuis l’automne 2023, le cabinet d’avocats Bourdon et associés, qui avait décidé de le représenter pro bono, avait tenté en vain de faire lever son assignation à résidence. Ses avocats avaient « multiplié les recours » et alerté les autorités préfectorales et les juridictions administratives de son état de santé. Rien n’y a fait.
« Notre indignation est totale »
« La situation était à ce point indigne que M. Garbis Dilge recevait la visite de gendarmes sur son lit d’hôpital, pour s’assurer de sa présence et son obligation de pointage », expliquent MMe Bourdon, Brengarth et Villetard dans un communiqué déplorant qu’il n’ait pu recevoir « une once de dignité, ne serait-ce que pour mourir ». Garbis Dilge a fait l’objet d’un « acharnement administratif » et de « l’indifférence la plus totale » de l’Etat, ajoutent ses conseils.
Selon la préfecture de la Creuse, contactée par l’Agence France-Presse, M. Dilge « a persisté sur une longue période dans son comportement délinquant et récidiviste ». Me Brengarth dénonce « une disproportion totale au regard de l’ancienneté des faits et de l’absence de tout trouble actuel à l’ordre public ». « Notre indignation est totale », ajoute Me Villetard. En effet, après un an sans nouvelles, le tribunal administratif de Limoges s’est empressé de mettre en demeure le cabinet d’avocats de dire, sous quinze jours, si les ayants droit de M. Dilge allaient poursuivre la procédure en cours pour lever son assignation.
D’après la Direction générale des étrangers, la France comptait 19 427 assignations à résidence en 2022.