Parmi les expérimentions politiques hasardeuses tentées durant le second mandat d’Emmanuel Macron, le vote de confiance demandé lundi 8 septembre par François Bayrou sur la situation des finances publiques restera dans les annales. Renversé par ses opposants, allant de la gauche au Rassemblement national, qui ont totalisé 364 voix, le centriste est non seulement le premier chef de gouvernement de la Ve République à tomber dans le cadre de cette procédure, mais il laisse derrière lui un champ de ruines.
La maigre coalition qui le soutenait s’est rétrécie avec la défection d’une élue macroniste du Nord, Violette Spillebout, qui coprésidait la commission d’enquête sur les violences en milieu scolaire, et avec les divisions des députés du parti Les Républicains (LR). Vingt-sept d’entre eux ont voté pour la confiance, dont le chef du groupe, Laurent Wauquiez, mais 13 ont choisi de dire non et 9 se sont abstenus.
Si la question de la dette de la France avait été prise aussi au sérieux que François Bayrou le proclamait, alors elle n’aurait jamais dû prêter à un tel coup politique. Parce qu’il sentait que tout lui échappait, le président du MoDem a choisi de se préoccuper de sa personne : tomber à son heure et à ses conditions au terme d’un ultime plaidoyer axé sur la gravité de la situation. Le désastre qui en résulte est total. Au-delà du camouflet qu’il a subi, rien n’est réglé sur le fond et le président de République se retrouve dans une situation politique de plus en plus inextricable.
Pour le camp présidentiel, qui rêvait, en 2017, de restructurer le champ politique en deux blocs, progressistes contre nationalistes, la séquence qui s’est ouverte en 2022, lors du second mandat d’Emmanuel Macron, ressemble davantage à la poursuite de la décomposition qui affecte depuis des années les partis de gouvernement. Les macronistes et leurs alliés se portent à peine mieux que le Parti socialiste et LR qu’ils prétendaient supplanter. A la perte de la majorité absolue en 2022 a succédé, deux ans plus tard, celle de la majorité tout court, au terme d’une dissolution, cet autre coup qui s’est avéré une faute politique, dont les effets se révèlent toujours plus délétères.
La France n’est pas le seul pays à devoir gérer la pression des extrêmes et l’émiettement des partis politiques. Mais la culture du compromis, largement développée chez ses voisins, reste à domestiquer et l’exécutif a largement sous-estimé dans ses tentatives d’approche la forte impopularité de la politique qu’il défend. Même s’ils se disent prêts à s’émanciper de La France insoumise, les socialistes étaient d’autant moins enclins à s’engager dans un pacte de non-censure que le plan de François Bayrou est considéré comme fondamentalement injuste par leurs électeurs.
La situation de blocage dans laquelle s’est installé le pays est grave. Les politiques publiques sont à l’arrêt, la tension sociale s’accroît, le décalage s’accentue entre le rôle que veut jouer le président sur la scène mondiale et les moyens effectifs dont il dispose pour tenir ses engagements.
Au fond de cette impasse, le danger majeur qui menace notre pays, l’accès de l’extrême droite au pouvoir, ne cesse de grandir. Marine Le Pen accentue la pression sur Emmanuel Macron pour tenter d’obtenir une nouvelle dissolution qui, selon les sondages, tournerait à l’avantage de son parti. Ce péril pour notre République ne peut être circonscrit, à l’Assemblée, que par une entente, au minimum, entre les macronistes, les socialistes et LR. Avec sa sortie piteuse, François Bayrou n’a rien fait pour leur faciliter la tâche.