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Histoires Web samedi, juillet 26
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Son incarcération en France aura duré quarante ans. Le militant libanais propalestinien, condamné dans les années 1980 pour complicité d’assassinats de diplomates américain et israélien, a quitté sa prison dans la nuit vendredi 25 juillet et sera bientôt de retour au Liban.

Sur les coups de 3 h 40 vendredi, un convoi de six véhicules, dont deux vans noirs et la voiture du préfet des Hautes-Pyrénées, s’est élancé du centre pénitentiaire de Lannemezan, gyrophares allumés, a constaté une équipe de l’Agence France-Presse (AFP), sans pouvoir apercevoir le militant à la barbe désormais blanche. Une source proche du dossier a confirmé à l’AFP que l’ancien instituteur d’aujourd’hui 74 ans était bien sorti de la prison.

Il devait ensuite être amené à l’aéroport de Tarbes afin de prendre un vol pour Roissy, selon une source au sein des forces de l’ordre. Il pourrait ensuite décoller pour Beyrouth dès vendredi matin. « C’est à la fois une joie pour lui, un choc émotionnel et une victoire politique après tout ce temps », a confié à l’AFP son avocat Jean-Louis Chalanset, après le départ du convoi. « Il aurait dû sortir il y a tellement longtemps », a-t-il ajouté.

Libérable depuis un quart de siècle, le fondateur des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), un groupuscule proche du Front populaire de libération de la Palestine de Georges Habache, a fait l’objet de onze demandes de libération depuis 2001. Jusqu’ici toutes ont été rejetées, en première instance, en appel ou en cassation, au motif que l’intéressé ne s’est jamais repenti de ses actes, qu’il se refuse à indemniser les familles des deux victimes, et que son retour au Liban constituerait un danger.

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Présenté par ses défenseurs comme « le plus vieux prisonnier politique de France et même d’Europe », ses détracteurs voient plutôt en lui un terroriste, fier d’avoir tué le lieutenant-colonel américain Charles R. Ray, le 18 janvier 1982, et Yacov Barsimentov, deuxième secrétaire de l’ambassade d’Israël et probablement affilié au Mossad, le 3 avril 1982. Des assassinats perpétrés alors que les combats entre Israël et les fedayins de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), alors implantés au Liban, faisaient rage.

La semaine dernière, la cour d’appel de Paris avait ordonné sa libération « à compter du 25 juillet », à condition qu’il quitte le territoire français et n’y revienne plus. Selon Me Chalanset, qui l’a vu une dernière fois dans sa prison jeudi, « il semblait très heureux de sa prochaine libération, même s’il sait qu’il arrive au Moyen-Orient dans un contexte extrêmement lourd pour les populations libanaises et palestiniennes ». L’avocat devait désormais, a-t-il dit, « prévenir ceux qui l’attendent samedi à Beyrouth », car Georges Abdallah devrait rallier son pays natal un jour plus tôt que prévu.

Une détention « disproportionnée »

Ces derniers jours, Georges Abdallah a donc vidé sa cellule, décorée d’un drapeau rouge de Che Guevara et débordant de piles de journaux et de livres, qu’il a confiés à son petit comité de soutien, dont quelque 200 personnes manifestaient encore devant la prison jeudi après-midi. Il a aussi donné la majorité de ses vêtements à des codétenus, et n’emporte qu’« une petite valise », a témoigné son avocat.

Ses proches espèrent qu’il sera accueilli au « salon d’honneur » de l’aéroport de Beyrouth. Ils ont demandé l’autorisation aux autorités libanaises, qui réclamaient depuis des années à la France la libération de Georges Abdallah. Ce dernier se rendra ensuite dans son village natal de Kobayat, au nord du Liban, où « un accueil populaire et officiel lui sera réservé », selon sa famille.

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L’AFP l’avait rencontré le jour de la décision, le 17 juillet, dans sa cellule, en accompagnant une parlementaire. « Quarante ans, c’est beaucoup, mais on ne les sent pas quand il y a une dynamique de lutte », avait assuré le détenu. La durée de sa détention est « disproportionnée » par rapport aux crimes commis et au vu de l’âge de l’ancien chef des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises), ont jugé les magistrats de la cour d’appel.

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Ce groupuscule de chrétiens libanais marxistes, dissous depuis longtemps, n’a « pas commis d’action violente depuis 1984 », a aussi rappelé la cour, voyant en Georges Abdallah un « symbole passé de la lutte palestinienne ».

Tout en regrettant qu’il n’ait pas « évolué » ni exprimé de « regret ou compassion pour les victimes qu’il considère comme des ennemis », les juges ont estimé que Georges Abdallah, qui veut « finir ses jours » dans son village, peut-être en s’engageant en politique locale, ne représente plus aujourd’hui de risque de trouble à l’ordre public.

L’ennemi public numéro 1

A l’époque des faits, dans le contexte de la guerre civile libanaise et de l’invasion israélienne au Sud-Liban en 1978, les FARL ciblaient les intérêts d’Israël et de son allié américain à l’étranger. Avant l’arrestation de Georges Abdallah en 1984, le groupuscule avait frappé cinq fois en France, tuant deux diplomates en 1982 : le lieutenant-colonel américain Charles Ray, puis l’Israélien Yacov Barsimantov, considéré comme le responsable du Mossad en France, abattu par une femme devant son épouse et ses deux enfants.

Identifié par ses empreintes découvertes dans une planque bourrée d’explosifs et d’armes, dont le pistolet qui avait servi aux deux assassinats, Georges Abdallah avait comparu seul au palais de justice en 1987, dans un contexte particulier. Il était devenu l’ennemi public numéro 1 et le prisonnier le plus célèbre de France car on le croyait, à tort, derrière la vague d’attentats de 1985-1986 qui a fait treize morts et installé la psychose dans les rues de Paris. Il avait été condamné à la perpétuité.

L’ancien instituteur a toutes ces années nié son implication dans l’assassinat des diplomates, tout en refusant de condamner des « actes de résistance » contre « l’oppression israélienne et américaine ».

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Le Monde avec AFP

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