Il est un paradoxe bien français : notre attachement à l’égalité des chances est massif, mais notre système fiscal continue de préserver des mécanismes qui la contredisent frontalement. L’héritage en est l’un des plus emblématiques. La fortune héritée représente 60 % du patrimoine français (contre 35 % dans les années 1970), selon le Conseil d’analyse économique, et l’écart se creuse toujours plus avec la richesse issue du travail, plus fortement d’ailleurs que dans les autres pays européens.
Le sujet est tabou puisque l’écrasante majorité des Français s’oppose à la taxation des successions, alors qu’elle n’est que de 6 % en moyenne (comme le rappelle [le spécialiste en stratégie sociale] Antoine Foucher). Il est pourtant central dans le débat sur la justice intergénérationnelle et la soutenabilité de nos choix collectifs.
Ces dernières années, la puissance publique a souvent favorisé les retraités au détriment des jeunes actifs. C’est un choix politique et une réalité budgétaire : l’indexation des pensions sur l’inflation a représenté un surcoût de plus de 14 milliards d’euros en 2024. C’est aussi un choix de société et une réalité économique : près de la moitié de l’augmentation de la dette publique est liée au financement des retraites. Dans le même temps, les dispositifs en faveur de l’insertion des jeunes ou de l’accession à la propriété ont été réduits. Ce déséquilibre, qui nous est légué, affaiblit notre pacte social.
Si l’on peut penser que léguer un patrimoine privé à nos enfants permet d’y palier pour soutenir notre jeunesse, la réalité est toute autre : les Français héritent en moyenne à 52 ans, et seule la moitié d’entre eux ont effectivement touché un héritage ou une donation au cours de leur vie, souvent de moins de 40 000 euros, selon l’Insee. Ceux qui bénéficient des successions les plus importantes sont par ailleurs le plus souvent dotés d’un capital économique, social et culturel conséquent à leur naissance.
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