Alors que le débat sur la taxation du sucre dans les produits transformés est relancé à l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’examen du Projet de loi de financement de la sécurité sociale, une étude parue jeudi 31 octobre dans Science pourrait donner du grain à moudre aux députés et aux ministres du gouvernement Barnier qui ont affiché des avis divergents sur le principe d’une nouvelle taxe et devraient en débattre dans l’hémicycle lundi 4 novembre.
Cette étude, menée par des chercheurs américains des universités de Californie du Sud, de Chicago et de Berkeley, vise à mieux comprendre l’impact de la consommation de sucre sur le risque de survenue de maladies chroniques, notamment le diabète et l’hypertension. Pour caractériser ce lien, c’est vers l’histoire contemporaine que se sont tournés les chercheurs, en étudiant une période où les populations ont connu un changement radical de comportement alimentaire : la levée du rationnement dans le Royaume-Uni des années 1950.
Après-guerre, la plupart des denrées alimentaires étaient en effet rationnées. Les restrictions ont progressivement été levées dans la première moitié des années 1950. Celles sur le sucre – qui limitaient les apports en sucres libres à moins de 40 grammes (g) pour les adultes, 15 g pour les enfants, et aucun sucre pour les nourrissons, soit à peu près les recommandations actuelles de la plupart des agences de santé publique – ont été supprimées en septembre 1953. De façon quasi immédiate, les ventes de sucre ont doublé dès la première année, alors que pour les autres denrées alimentaires dérationnées, les niveaux de consommation sont restés relativement stables – seule exception, le retour à la consommation de beurre après des années de substitution par la margarine.
Laps de temps court
Or, constate l’étude publiée dans Science, cette soudaine hausse de consommation de sucre chez les Britanniques en 1953 pourrait avoir eu des conséquences de long terme sur leur santé. Les chercheurs se sont appuyés sur les données du UK Biobank, une vaste base de données médicale, qui suit quelque 500 000 volontaires. Parmi eux, un peu plus de 60 000 personnes ont été identifiées comme nées entre octobre 1951 et mars 1956, soit 1 000 jours avant la levée du rationnement du sucre, et 1 000 jours après.
Les chercheurs ont ainsi défini un premier groupe d’individus qui ont été « rationnés » in utero et durant leurs tout premiers mois de vie, et un second groupe qui a été davantage exposé à la consommation de sucre, les données générales disponibles sur le Royaume-Uni suggérant un doublement de la consommation. Ce laps de temps court a été choisi en formulant l’hypothèse que ces deux groupes d’individus ont été exposés à un environnement alimentaire relativement similaire, avec des prix constants, et que l’exposition au sucre constitue la principale variable différenciante.
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