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Le chanteur de salsa Alain Pérez co-vedette d’une messe catholique créole, voilà qui a de quoi interpeller.

« Ma préparation a avant tout été spirituelle »

Lorsque nous l’interrogeons, le Cubain semble encore tout étonné de sa participation à la « Misa Criolla – El latin jazz project », orchestré par le ténor Emiliano Gonzalez Toro. « J’ai découvert la Misa Criolla grâce à Emiliano », raconte Alain. « Et à ma grande surprise, ce fut une bénédiction. Je suis de culture chrétienne par ma famille. Sans être pratiquant, je suis très croyant. » « Ma préparation fut avant tout spirituelle », souligne-t-il. « Je ne pouvais aborder ce répertoire qu’avec ma foi. »

Lorsqu’on lui fait remarquer que c’est un nouveau registre qu’il aborde, le salséro acquiesce : « Absolument. Je suis complètement sorti de ma zone de confort. » Alain affirme ne pas avoir eu recours à la moindre forme de coaching. S’il n’a jamais mis en pratique les techniques lyriques, le musicien possède dans ses bagages la formation classique qu’il a suivie au conservatoire de La Havane. Pour Emiliano, « Alain n’est pas un peu ténor, C’EST un ténor ! Il apporte toute sa maîtrise du boléro et se fond dans le style lyrique tout en apportant sa propre couleur. »

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Dans l’enregistrement, les voix des deux chanteurs s’enchaînent et se complètent, se mélangeant dans une fluidité confondante. « Moi-même, j’ai parfois du mal à nous distinguer », confirme Emiliano. « Alain possède une oreille incroyable. Il est resté très discret le premier jour. Ça n’est que lendemain que l’animal est sorti. C’était comme ouvrir une boîte magique ! Il a commencé à improviser. Il sortait des trucs plus fantastiques les uns que les autres. A tel point qu’arrivé au montage on avait l’embarras du choix ! Il apporte exactement la touche qu’on recherchait. »

Et lorsqu’on demande à Alain « Vous n’avez pas eu d’hésitation ? », il répond : « Pas une seconde », puis dans un éclat de rire : « C’est après que j’ai réalisé ! »

Alors, c’est quoi la « Misa Criolla » ?

L’œuvre composée en 1964 par le musicien argentin Ariel Ramírez n’est pas forcément très connue dans l’hexagone, même si elle fut incarnée par des stars internationales comme la chanteuse populaire argentine Mercedes Sosa ou le chanteur lyrique espagnol José Careras.

L’idée originale, complètement novatrice à l’époque, du compositeur, à savoir l’écriture d’une messe en utilisant les rythmes et les musiques autochtones, a pu voir le jour grâce à la réforme Vatican II dans laquelle l’Église catholique autorisa en 1963 la célébration de la messe dans les langues locales en lieu et place du latin.

Dans la « Misa Criolla », les cinq mouvements de l’Ordinaire de la messe épousent les formes musicales folkloriques locales : vidala baguala pour le « Kyrie », carnavalito pour le « Gloria », chacarera trunca pour le « Credo », carnaval cochabambino pour le « Sanctus » et le style pampéen pour l’« Agnus Dei ». Les adaptations en espagnol des textes liturgiques furent écrites par le prêtre Antonio Osvaldo Catena et les arrangements des chœur par le prêtre Jesus Gabriel Segade. La « Misa Criolla » fut jouée en 2014 au Vatican devant le Pape François (de nationalité argentine, rappelons-le) à l’occasion du cinquantenaire de l’œuvre.

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Comment cette messe créole argentine a-t-elle bien pu débarquer dans nos contrées via une escale par Cuba ? Ce projet un peu fou est porté par Emiliano Gonzalez Toro. La « Misa Criolla » fait partie du patrimoine musical du ténor, spécialiste de la musique baroque. Les parents d’Emiliano, émigrés chiliens, étaient chanteurs. Quand la voix d’Emiliano a mué, son père a commencé à l’inviter à l’accompagner. L’œuvre de Ramírez, célèbre dans toute l’Amérique Latine, était au répertoire. La « Misa Criolla », c’est la madeleine de Proust d’Emiliano.

Et la salsa dans tout ça ? Emiliano est un grand amateur de musique latine. Il a même remporté des prix en tant que DJ dans sa jeunesse.

Un soir, le musicien rentre en voiture d’un concert hommage à la chanteuse chilienne Violeta Parra arrangé en jazz par le pianiste Thomas Enhco. « Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi », raconte Emiliano. « L’Hosanna de la Misa Criolla n’arrêtait pas de me trotter dans la tête… en version salsa ! Ça m’a hanté pendant les cinq heures de route. » En arrivant, il rappelle Thomas et lui partage l’idée de faire une version latin jazz de la « Misa Criolla ». « Je lui ai demandé de faire du Thomas Enhco. J’adore l’univers de ce garçon. Il apporte de la magie. » Et lui donne carte blanche. La seule condition était le respec strict de la structure de la messe.

L’idée sera de substituer le chœur par une section de cuivres. Les deux musiciens ont travaillé avec la direction de l’Amazing Keystone Big Band dont fait partie David, le frère de Thomas. Ils leur ont confié l’orchestration du big band pour un résultat dans les règles de l’art.

La « Misa Criolla » elle-même ne dure qu’une vingtaine de minutes. Dans l’enregistrement original, elle est complétée par une seconde création, « Navidad Nuestra », composée de tableaux célébrant La Nativité sur des textes de l’auteur argentin Felix Luna. Les deux parties sont traditionnellement liées sur disque et sur scène, ce qui est le cas dans El latin jazz project. Les premières notes de « La Anunciación » vous plongent dans l’allégresse. Cette partie marquée par plus de légèreté est également prétexte à plus de liberté autant dans l’orchestration que dans l’interprétation.

« Surprenante, foisonnante, addictive »

La « Misa Criolla – El latin jazz project » est une œuvre singulière. Selon Emiliano, écouter la « Misa Criolla », « c’est comme plonger dans une excellente série Netflix. » Au-delà la formule, reconnaissons à cette « Misa Criolla » d’être surprenante, foisonnante, addictive.

Alors que le premier et le dernier mouvement, contractuellement recueillis, conservent les rythmes originaux, le corps de l’œuvre adopte des formes d’expression populaires en introduisant le swing, s’inspirant de la rumba, de la salsa et de la timba, insufflant l’esprit d’exaltation du gospel. Ainsi orchestrés, les thèmes sont transfigurés et deviennent des véritables airs populaires à l’image de La Peregrination (qui inspira sa célèbre Alouette à Gilles Dreu) de « Navidad Nuestra », expérience inédite et entêtante.

La « Misa Criolla – El latin jazz project » sera présentée pour la première fois à Paris à l’occasion de la sortie de l’album. A l’approche du concert au Bataclan, Emiliano a du mal à cacher son impatience : « La réception lors des avant-premières fut excellente. Alain est une bête de scène. Je suis persuadé qu’il va entraîner le public dans une véritable fiesta latina. »

1 CD « Misa Criolla – El latin jazz project » (sortie le 18 avril 2025 chez Gemelli Factory)

Concert le 5 mars 2025 au Bataclan (Paris)

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