L’affaire Bétharram continue de poursuivre François Bayrou. Un avocat a demandé, lundi 17 février, l’ouverture d’une enquête pour « entrave à la justice » dans l’affaire de viol survenue en 1998 au sein du collège-lycée catholique de Lestelle-Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Cette demande d’enquête pénale, qui vise aussi des faits présumés de « recel de crime », a été déposée, lundi, auprès du parquet général de Pau par Me Jean-François Blanco. Dans le magazine « Sept à Huit » diffusé dimanche sur TF1, le gendarme chargé de l’enquête sur le père Pierre Silviet-Carricart, ex-directeur de l’institution accusé de viol en 1998, a évoqué une « intervention » de François Bayrou.
Au moment de la mise en examen du suspect, le juge chargé du dossier lui aurait déclaré : « Le procureur général demande à voir le dossier, M. Bayrou est intervenu auprès de lui. » Pour Me Blanco, également élu d’opposition (EELV) à Pau, ville dont le premier ministre est resté maire, ces « très graves accusations » justifient sa « demande d’enquête sur l’enquête, pour savoir qui a fait quoi, et comment M. Bayrou serait intervenu auprès de la justice ».
Le collège-lycée Bétharram est au cœur d’une vaste enquête sur des violences, agressions sexuelles et viols dénoncés par plus d’une centaine de plaignants. Le parquet de Pau enquête depuis un an sur cette affaire remontant aux années 1970 et courant jusqu’aux années 1990.
Le scandale éclabousse le premier ministre, dont plusieurs enfants ont été scolarisés dans cette institution, où son épouse a enseigné le catéchisme. Depuis dix jours, mis en cause par des enquêtes de Mediapart, du Monde et de la presse locale, relayées par la gauche, il nie avoir eu connaissance des violences sexuelles quand il officiait comme ministre de l’éducation dans les années 1990.
« On ne peut pas rester sans réponse, il faut que François Bayrou soit convoqué pour s’expliquer », a expliqué, à l’Agence France-Presse (AFP), Me Jean-François Blanco, qui fut aussi, en 1996, l’avocat du premier élève de cet établissement catholique à avoir porté plainte pour une violente claque d’un surveillant.
« Il n’y a jamais eu d’intervention de ma part », dit Bayrou
« Il n’y a jamais eu d’intervention de ma part, auprès de quiconque, ni sur cette affaire, ni sur aucune autre », a réagi François Bayrou auprès du journal Sud Ouest, ajoutant que sa version était « confirmée » par l’avocat de la victime et l’ancien juge d’instruction. « Je ne connaissais pas ce procureur général qui est décédé, me dit-on, il y a plus de vingt ans », a-t-il poursuivi.
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« Tout ça c’est des fake news, des fantasmes purs et simples, pour détruire. On a tous vécu l’affaire Baudis – lui y a laissé la peau », a ajouté le premier ministre, en référence à l’ancien maire de Toulouse, Dominique Baudis, mis en cause à tort, en 2003, dans une affaire liée au tueur en série Patrice Alègre – M. Baudis est mort en avril 2014 des suites d’un cancer du poumon.
Le juge chargé du dossier de viol, en 1998, à Bétharram, a affirmé à plusieurs reprises avoir parlé de l’affaire, à l’époque, avec l’actuel chef du gouvernement. « François Bayrou a fait la démarche de venir me voir lorsque le prêtre était en détention. Il s’inquiétait pour son fils scolarisé à Bétharram. Il disait qu’il ne pouvait pas croire que le père Carricart avait fait ce qu’on lui reprochait », a déclaré Christian Mirande à La République des Pyrénées.
Interrogé sur d’éventuelles pressions, il avait ajouté avoir « dû répondre à de nombreuses questions (…), notamment de la part du procureur général » de l’époque, ajoutant que « c’étaient des demandes un peu déguisées ». Mais l’ancien juge a assuré à TF1 que François Bayrou, « en aucun cas », ne lui avait « demandé de modérer [s]es décisions ». « Je n’ai vraiment pas le souvenir qu’on m’ait dit que M. Bayrou était intervenu », complète-t-il.
Samedi à Pau, après avoir rencontré des personnes victimes de Bétharram, le premier ministre a affirmé que le juge, son voisin à Bordères où il habite, lui avait parlé de la plainte pour viol en 1998, sans que lui-même ne sollicite une rencontre. Et pour M. Bayrou, leur conversation a eu lieu après la remise en liberté du religieux, et non avant.
La demande d’enquête de Me Blanco porte aussi sur les conditions de « la fuite » du père Carricart qui, libéré sous contrôle judiciaire huit jours après sa mise en examen, avait rejoint Rome, où il s’est suicidé en 2000.
L’inspection de l’établissement avancée
Alors que Bétharram est au centre de l’attention, le rectorat de Bordeaux a avancé à la semaine du 17 mars son inspection de l’établissement, répondant à une demande du ministère de l’éducation face au scandale qui entoure cet établissement sous contrat.
« Nous prenons attache avec le directeur de l’établissement, pour l’informer du calendrier du contrôle, et avec le directeur diocésain », a annoncé, lundi 17 février au soir à l’AFP, le service de communication du rectorat.
« Cette démarche est inscrite dans le plan de contrôle de l’académie, simplement avancée à la semaine du 17 mars, comme demandé par le ministère pour disposer d’éléments sur le fonctionnement actuel de cet établissement », a-t-il ajouté. Les congés scolaires dans l’académie de Bordeaux, dont relèvent les Pyrénées-Atlantiques, débutent samedi et s’achèveront le 9 mars.
Le ministère de l’éducation nationale avait demandé au rectorat, vendredi, « d’avancer ses opérations de contrôle » dans l’établissement.