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L’une des quatre procédures judiciaires liées au scandale McKinsey vient de s’éteindre. Le parquet de Paris a indiqué au Monde, lundi 22 juillet, renoncer à poursuivre Karim Tadjeddine, confirmant les informations de la publication spécialisée La Lettre du conseil. L’ancien dirigeant français du cabinet de conseil américain était soupçonné d’avoir livré un faux témoignage devant le Sénat, mais l’infraction a été jugée insuffisamment caractérisée.

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L’affaire remonte au 18 janvier 2022, lors des auditions de la commission d’enquête sur l’influence des cabinets de conseil sur la décision publique. Alors que les sénateurs le cuisinent sur la structuration fiscale de McKinsey, M. Tadjeddine, alors directeur associé du cabinet McKinsey en France, assure que son entreprise paie « l’impôt sur les sociétés en France », et que « l’ensemble des salaires sont dans une société de droit français qui paie ses impôts en France ».

Une affirmation que semblent contredire des documents fiscaux récupérés par la commission d’enquête auprès du ministère des finances au cours de ses travaux. Ceux-ci révèlent que les deux principales entités françaises du cabinet américain n’ont pas payé le moindre centime d’impôts sur les sociétés de 2011 à 2020, malgré un chiffre d’affaires substantiel – 329 millions d’euros pour la seule année 2020.

Cette situation a poussé le Sénat à adresser, le 25 mars 2022, un signalement à la justice pour une suspicion de faux témoignage – un délit passible de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Deux ans plus tard, le parquet de Paris a donc décidé de clore cette procédure sans poursuivre M. Tadjeddine.

Trois procédures toujours en cours

La procureure de Paris, Laure Beccuau, a détaillé dans une lettre adressée, le 30 mai, au bureau du Sénat les raisons pour lesquelles l’infraction de « parjure » n’était, à ses yeux, pas constituée. La procureure a porté au crédit de M. Tadjeddine l’ambiguïté de sa déclaration : si les entités françaises de McKinsey n’ont effectivement pas payé d’impôt sur les sociétés, elles n’y étaient pas moins assujetties. En clair, McKinsey a bien payé l’impôt sur les sociétés… à hauteur de zéro euro, grâce à des stratégies d’optimisation fiscale. Le dirigeant n’aurait donc pas menti intentionnellement aux sénateurs.

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L’abandon des poursuites à l’encontre de Karim Tadjeddine – qui estime cette issue « juste au regard des faits » – ne met pas pour autant McKinsey hors de cause. Le Parquet national financier enquête en parallèle depuis le 31 mars 2022 sur le fond des éléments fiscaux révélés par le Sénat, afin d’établir si McKinsey s’est adonné à de l’optimisation fiscale – légale – ou si le groupe a franchi la ligne de la fraude fiscale – illégale. Deux autres procédures ont été ouvertes depuis, en lien avec les interventions du cabinet américain durant les campagnes d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022. Karim Tadjeddine, qui pilote les contrats du cabinet avec l’Etat et connaît M. Macron depuis 2017, symbolisait la proximité entre McKinsey et l’Elysée, jusqu’à son départ du cabinet fin 2022.

Les soupçons de parjure devant les commissions parlementaires, difficiles à caractériser pénalement, aboutissent le plus souvent à des classements sans suite. Avant Karim Tadjeddine, la justice avait renoncé à poursuivre Frédéric Oudéa, le PDG de la Société générale – dont les « Panama Papers » avaient mis en évidence les mensonges sur la présence de son groupe dans les paradis fiscaux –, le conseiller élyséen Patrick Strzoda – accusé d’avoir minimisé le rôle d’Alexandre Benalla à l’Elysée – ou encore le préfet de Paris, Didier Lallement, et quatre magistrats – soupçonnés d’avoir caché la vérité sur l’organisation d’une manifestation de policiers non autorisée. A ce jour, le pneumologue Michel Aubier est le seul exemple de faux témoignage parlementaire sanctionné par la justice : il a été condamné en appel en 2018 à 20 000 euros d’amende pour avoir caché ses liens avec le groupe pétrolier Total lors d’une audition sur le coût de la pollution de l’air, trois ans plus tôt.

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