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La majorité absolue ou pas de majorité claire pour l’extrême droite à l’Assemblée nationale : tels semblent être les deux scénarios les plus probables de l’issue du second tour des élections législatives, dimanche 7 juillet, au regard du nombre de candidats maintenus par chaque camp. Dans les deux cas, la France se trouverait dans une configuration inédite sous la Ve République. Quelles sont les prochaines étapes attendues dans la foulée du scrutin ? Le pays peut-il se diriger vers un blocage institutionnel ? Eléments de réponse.

1. Quand un nouveau gouvernement doit-il être nommé ?

La défaite du camp présidentiel semble inéluctable : la majorité absolue des sièges est en effet hors de portée pour Ensemble, faute de maintenir un nombre suffisant de candidats au second tour des législatives. Cette perspective n’impose toutefois pas au premier ministre, Gabriel Attal, de quitter son poste dans l’immédiat. « Le fait qu’un gouvernement démissionne après les élections législatives est une convention », note Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas.

Aucun calendrier ne s’impose donc formellement à Emmanuel Macron, ni pour demander au gouvernement actuel de démissionner ni pour en nommer un nouveau. Le chef de l’Etat ne peut en revanche pas ignorer complètement la nouvelle donne politique issue du scrutin. Un gouvernement mis en minorité à l’Assemblée nationale est en effet exposé au vote d’une motion de censure, qui pourrait être déposée à partir de la première réunion de la future Assemblée nationale. L’article 12 de la Constitution fixe celle-ci au deuxième jeudi qui suit l’élection, soit le 18 juillet.

2. Comment un nouveau gouvernement peut-il être formé ?

Si un camp politique réunit une majorité absolue de députés (soit au moins 289 sur les 577 de l’hémicycle), la nomination d’un premier ministre issu de ses rangs s’impose en principe. Au vu des résultats du premier tour du scrutin, une telle majorité ne peut aujourd’hui émerger que du Rassemblement national (RN) et de ses alliés, ou de la gauche.

Dans une telle situation de cohabitation, le pouvoir de nomination du premier ministre revient certes au président de la République. Cependant, la logique institutionnelle ne lui permet pas d’outrepasser l’avis de la majorité des députés, puisqu’un gouvernement qui irait à leur encontre pourrait faire l’objet d’une motion de censure. La logique veut donc que le chef de l’Etat choisisse le candidat du camp majoritaire. C’est ainsi que François Mitterrand, en 1986 et en 1993, ainsi que Jacques Chirac, en 1997, ont nommé des premiers ministres qui leur étaient opposés politiquement.

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3. Que se passe-t-il en l’absence de majorité absolue ?

L’affaire se complique si aucun camp politique ne réunit de majorité absolue. En 2022, le camp présidentiel d’Emmanuel Macron a obtenu 246 sièges, ce qui en faisait de loin le premier groupe de l’Assemblée nationale, mais le plaçait en position de majorité relative. Cette situation inédite et compliquée ne l’a pas empêché de former un gouvernement et de le maintenir en place pendant deux ans, car les oppositions de droite, de gauche et d’extrême droite n’ont jamais joint leurs forces pour le renverser.

Ce risque pourrait en revanche guetter l’extrême droite si elle devenait le premier groupe de l’Assemblée nationale, sans réussir à réunir la majorité absolue : l’extrême droite pourrait se retrouver face à un front républicain majoritaire, à même de renverser un éventuel gouvernement à tout moment.

Le chef de file du RN, Jordan Bardella, l’a déjà anticipé : il a affirmé à plusieurs reprises depuis le 9 juin qu’il refuserait d’être premier ministre si son parti ne remportait pas la majorité absolue des sièges.

4. Que se passe-t-il si aucun gouvernement durable n’émerge ?

Faute de majorité claire sur les bancs du Palais-Bourbon, le risque d’un blocage institutionnel est réel. Les institutions n’imposent aucun calendrier pour former un gouvernement, mais aucun texte législatif ni réglementaire ne peut être adopté en son absence.

Le Monde

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La classe politique a évoqué plusieurs hypothèses ces derniers jours pour remédier à une telle poursuite de crise :

  • la formation d’un « gouvernement d’union nationale » appuyé par une coalition qui rassemble au-delà des camps politiques ;
  • la nomination d’un gouvernement « technique » pour gérer le pays, avec des ministres sans affiliation partisane, sur le modèle de celui dirigé par Mario Draghi en Italie de 2021 à 2022 ;
  • un gouvernement minoritaire à l’Assemblée nationale, mais qui chercherait des compromis pour faire voter des lois au cas par cas.

Une certitude : faute de majorité claire et stable, un gouvernement de ce type vivrait sous la menace d’une censure à l’Assemblée nationale, ce qui pourrait aboutir à la succession rapide de plusieurs gouvernements.

5. Peut-il y avoir une nouvelle dissolution prochainement ?

L’hypothèse d’un nouveau retour aux urnes pour clarifier la situation politique est en principe exclue dans l’immédiat. Selon l’article 12 de la Constitution, « il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections ». La future Assemblée nationale devrait donc siéger au moins jusqu’à l’été 2025.

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