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Histoires Web jeudi, mai 29
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Soixante-seize tonnes, 22 mètres de long : une locomotive à vapeur nazie, écrasante, est emmurée en plein Paris. La machine, du modèle de celles qui ont tiré les trains des déportés vers les camps de la mort, est emprisonnée depuis 1994 derrière une petite porte, à quelques centaines de mètres de la Bibliothèque François-Mitterrand, au milieu des Frigos, les ateliers d’artistes du 13e arrondissement de Paris.

Bien plus qu’un engin de traction, c’est à la fois un morceau d’histoire et une œuvre d’art : celle de l’industrialisation de la mort par le IIIe Reich et celle d’un artiste peintre, Jean-Michel Frouin, vers qui nous conduit un passionné de la vie des trains.

Connu sous l’alias BB27000 sur le réseau social X, Wilfried Demaret est le plus influent des cheminots avec ses 100 000 abonnés, des passionnés qui veulent tout savoir du train en général et de la SNCF en particulier. De ses multiples anecdotes, il a tiré un livre Plus belle la ligne ! (Plon, 2024). Il est mécano à la SNCF. Il conduit des trains, mais pas n’importe lesquels : ceux qui sont en rade, qu’il faut dépanner ou transférer d’un bout à l’autre de la France par des détours inhabituels. Il connaît toutes les locos, toise le matériel d’un coup d’œil, vous dit instantanément où il a été fabriqué, depuis quand il circule. Il sait tout de la vie des rails. Mais la locomotive Ty2, il a tardé à la localiser.

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Le 15 mai, en approchant des Frigos, vestiges incongrus de l’ancien quartier de triage ferroviaire, devenu celui de la Bibliothèque nationale de France et des banques, le cheminot retient son souffle. Il cherche les rails qui ont permis d’acheminer la Ty2 dans le bâtiment couvert de graffitis. On n’en voit plus la trace. Disparus. Surgit alors Jean-Michel Frouin, il parcourt avec lui un couloir et ouvre une porte, fermée à clé. Le monstre à vapeur apparaît dans l’embrasure. Imposant. Gris. Mat. Quelques minutes passent et le cheminot s’installe dans la cabine de conduite, touche les leviers peints en rouge, inspecte la réserve de charbon, remarque la conduite à droite spécifique aux trains allemands. Comment pareil engin est-il arrivé là ? Sans se faire prier, notre hôte, un sexagénaire aux joues creuses et à la haute silhouette longiligne, se lance, accoudé sur une bielle en roulant une cigarette, à l’abri du plafond qui s’effrite.

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