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Histoires Web mercredi, décembre 25
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Quand Marie-Adeline Daumas a enfin obtenu les clés d’un logement social, derrière la gare, en plein centre-ville de Nice, elle a eu du mal à y croire. « Je me suis dit : enfin, fini les galères », explique cette mère célibataire de deux enfants. C’était un logement avec de la lumière, et puis deux chambres, une pour chaque enfant. Elle devait dormir dans le salon, mais ce n’était « pas très cher payé » pour un logement neuf dans un bâtiment tout juste livré. « J’étais ravie », dit-elle. Mais, dès le premier été, en 2023, le petit T3 surchauffe. Dans la chambre de son fils, Marie-Adeline Daumas enregistre plus de 29 degrés. Chaque matin, les enfants laissent des taches de sueur sur leurs matelas et partent cernés au centre aéré. L’été 2024, « c’était encore pire ».

Entre le mois de juillet et début septembre, Nice a suffoqué plus de soixante jours. La journée, les 32 °C au thermomètre pouvaient correspondre à un ressenti de 40 °C à cause de l’humidité. Les fonds de vallées, habituellement plus frais, ont également atteint des températures anormalement élevées : jusqu’à 36 °C. L’eau des plages a frôlé 30 °C. La nuit, les matériaux urbains relâchaient la chaleur accumulée, entre les murs et la mer surchauffée, impossible pour la ville de se rafraîchir. Résultat : une série de soixante et une nuits dites « tropicales » d’affilée.

L’immeuble de Marie-Adeline Daumas comprend des logements privés et sociaux. Dans la petite ruelle, deux entrées : la A dessert les lots privés, la B les logements sociaux. Dans le bâtiment A, des climatiseurs sont installés. Dans le B, avec le patio qui fait puits de chaleur et les fenêtres de toit en plein soleil, impossible de respirer.

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A bout, Marie-Adeline Daumas a dû fuir chez sa mère qui habite un vieil immeuble « aux murs épais » dans le centre-ville. Là-bas, au moins, elle peut ouvrir les volets et créer un courant d’air. Elle a essayé d’appeler le bailleur, Unicil, rien n’y fait. Contacté, ce dernier n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde. « On vit dans des conditions où on n’est pas respectés en tant qu’humains, estime Marie-Adeline Daumas, des sanglots dans la voix. J’aimerais que les bailleurs viennent passer une semaine chez moi l’été. Que je prenne leur baraque et qu’ils s’installent chez moi. Je leur laisse les clés. Peut-être qu’après on pourra discuter. »

Décompensations avec la chaleur

L’ensemble du pourtour méditerranéen subit la dynamique du réchauffement plus vite que le reste du continent européen, comme le rappelait la Commission européenne en février. Et les villes sont encore plus vulnérables au phénomène à cause de l’artificialisation des sols.

Nice se retrouve donc en première ligne, et en particulier ses quartiers très bétonnés. Dans les cités, notamment, les nuits sont devenues un enfer, aggravant les pathologies de certaines personnes fragiles. Cécile Baravalle, 48 ans, est infirmière depuis dix ans aux Moulins, dans le nord de la ville. Entre juillet et début septembre, elle a dû faire hospitaliser trois patients âgés, « dont deux qui sont désormais décédés et ne reviendront pas », précise-t-elle. Avec le manque de sommeil et la déshydratation, les personnes âgées sont plus sujettes aux vertiges et donc aux chutes. Deux autres patients avec des troubles cognitifs ont décompensé avec la chaleur. « Ils ont chaud, ils sont plus agités, ça augmente considérablement les troubles », remarque-t-elle.

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Dans les cages d’escalier de la cité, l’air est souvent irrespirable. Alors, quand les ascenseurs sont en panne, il faut faire une pause à chaque étage. « Ça nous est arrivé à nous, soignants en bonne santé et bien portants, d’avoir le tournis, raconte Cécile Baravalle. Il faisait tellement chaud dans certains appartements que moi-même je dégoulinais alors que je venais juste préparer un pilulier. Je partais, le plus vite possible, obligée de laisser le patient dans cette fournaise. »

Le groupe de soignants a été obligé d’adapter ses gardes, commençant encore plus tôt le matin. Cécile Baravalle se souvient qu’à 5 h 30, au début de son service, le tableau de bord de sa voiture affichait déjà 25 °C. Les patients, eux, mettaient des bouteilles d’eau au frais avant leur passage. Cécile ne parle même plus de colère, simplement « d’incompréhension » envers les pouvoirs publics.

« J’étais punie »

Moralement, aussi, la chaleur et les nuits courtes ont abîmé certains Niçois. Colette Falandry, 80 ans, a l’impression d’avoir vécu « dans le noir, entre parenthèses de la vie normale » pendant deux mois. Désormais, elle a le cafard. « J’étais punie », estime-t-elle. Dans son appartement près du port, elle a dû renoncer à ouvrir les volets. A 80 ans, difficile de mettre des draps mouillés aux fenêtres comme préconisé à la télévision. Impossible, aussi, de se balader le long de la mer comme elle a l’habitude de le faire. La nuit, sous ses fenêtres, « une agitation de jour », dit cette professeure d’italien à la retraite : le bruit des plages encore bondées à minuit, occupées par des habitants qui tentaient de profiter d’un tout petit peu d’air avant de regagner leurs logements. « Je les comprenais », note-t-elle.

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Elle s’est juré d’essayer de trouver quelque chose en 2025 pour ne pas revivre un été pareil. Mais son mari, atteint de la maladie d’Alzheimer, est hospitalisé non loin, et Colette passe le voir tous les jours. Alors elle a appelé des centres plus au Nord, pour voir s’ils pouvaient le prendre le temps de l’été : « Mais évidemment, on m’a ri au nez. »

En septembre, quand les premières gouttes sont venues interrompre les soixante jours de supplice, Colette est sortie sous la pluie. « Elle était chaude, se souvient-elle. On se serait cru à La Nouvelle-Orléans. »

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