Cent quinze mille élèves de Mayotte retournent à l’école à partir de lundi 27 janvier dans des conditions dégradées, par rotation de classes, un mois et demi après les ravages causés par le cyclone Chido. La rentrée des élèves, prévue pour le 13 janvier dans l’archipel français de l’océan Indien, avait d’abord été décalée au 20, puis au 27, pour faire face aux dégâts causés par Chido, puis par la tempête Dikeledi.
Malgré des appels à un nouveau report, l’académie a maintenu son calendrier, invoquant la nécessité de garder le contact avec les élèves et de ne pas compromettre leurs chances aux examens. Mais tout le monde n’est pas de cet avis, et certains parents anticipent un fiasco. Les enseignants ont fait, eux, leur rentrée lundi 20 janvier, découvrant des établissements parfois très endommagés.
Le ministère de l’éducation a promis dimanche soir la livraison progressive « dès la rentrée » de cahiers, stylos, et autres fournitures mais aussi de tables et de chaises.
En primaire, sur les 221 écoles, 45 ne pourront rouvrir lundi « en raison des dommages trop importants ». Concernant le secondaire, quatre établissements resteront fermés, selon un communiqué du ministère. « Tous les autres établissements accueilleront les élèves suivant une organisation adaptée tenant compte des réalités locales », assure-t-il encore.
Le système scolaire déjà défaillant avant Chido
Avant Chido, le système scolaire de Mayotte, département le plus pauvre de France, où la moitié des habitants a moins de 18 ans et ne parle pas français, était déjà défaillant.
En 2022, un rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) décrivait des établissements « saturés » et un bâti « dégradé requérant des travaux de rénovation importants ». L’ensemble des établissements de l’archipel sont pourtant classés en réseau d’éducation prioritaire REP ou REP +.
« Le manque de locaux a conduit depuis de nombreuses années les communes à instaurer un système de rotation dans les écoles primaires : la moitié des élèves ont classe le matin, l’autre l’après-midi », relevait la CRC, dressant un état des lieux catastrophique, seuls 8 200 élèves du secondaire sur 48 000 pouvant, par exemple, bénéficier d’un repas chaud le midi.
Manuel Valls et Elisabeth Borne attendus sur place
Jeudi, une manifestation dénonçant le « bricolage » de la rentrée a réuni environ 300 professeurs à Mamoudzou, selon les enseignants.
« C’est le flou total, on ne peut pas dire combien d’enfants seront là », a regretté le même jour Adda Fatihoussoundi, présidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Mayotte, jugeant que cette rentrée était « prématurée » et les conditions de sécurité pas garanties partout.
Le ministre des outre-mer, Manuel Valls, a reconnu dans un entretien à Ouest-France publié samedi, que la rentrée aurait lieu « dans des conditions qui seront forcément difficiles ». Il est attendu sur place jeudi et vendredi aux côtés de la ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne.
Certains établissements ont « 10 % de leur bâti touché, d’autres 80 %, mais aucun d’entre eux n’a été totalement épargné », estime Bruno Dezile, secrétaire départemental de la CGT Educ’action, qui alerte aussi sur les « pillages » et les « nombreuses intrusions » qui ont touché des établissements après la tempête.
Le choix des parents de scolariser leur enfant hors de Mayotte
Selon les plannings diffusés par le rectorat, collégiens et lycéens seront accueillis un à deux jours pendant la semaine de la rentrée. Des cours de français et mathématiques sont par ailleurs diffusés chaque jour sur la chaîne Mayotte la 1ère, pour les élèves scolarisés du CE2 jusqu’à la 3e.
Les professeurs s’interrogent aussi sur l’état de traumatisme psychologique de leurs élèves, et ne savent pas toujours combien d’entre eux ils retrouveront sur les bancs cette semaine. Des cellules d’écoute psychologique ont été mises en place dans trois collèges, tandis qu’un service d’écoute téléphonique est accessible gratuitement vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Certains parents ont fait le choix de scolariser leur enfant hors de Mayotte. Cela concerne à ce jour près de 1 200 élèves, dont 422 sur l’île de La Réunion, précise le ministère.