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Histoires Web dimanche, avril 28
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La quatrième représentation de Lohengrin, mardi 19 mars, a dépassé les espoirs du directeur de l’Opéra national du Rhin, Alain Perroux : même les places à visibilité réduite, tout en haut des dernières galeries, ont été vendues. Il faut dire que le chef-d’œuvre de Wagner n’était pas reparu sur la scène strasbourgeoise depuis trois décennies. Mais le public est venu aussi pour le ténor américain Michael Spyres. Fraîchement débarqué en terre wagnérienne, le chanteur, qui a abordé Erik dans Le Vaisseau fantôme à l’Opéra de Hambourg, fin 2023, signe ici la prise du rôle-titre de Lohengrin avant de faire ses débuts cet été à Bayreuth (Siegmund dans La Walkyrie).

Vêtu d’un long manteau sombre à capuche, le Chevalier au cygne apparaît d’emblée sous le signe du sacerdoce religieux, une thématique qui est mise en balance avec le monde de la connaissance. Timbre de clair soleil, tessiture au large ambitus, souple, homogène, étourdissante palette de couleurs et de nuances, Michael Spyres propose un Lohengrin plus sensible qu’héroïque, incarnant les inflexions du texte dans une bouleversante plénitude vocale. Il manque peut-être au glorieux fils de Parsifal ce métal dans l’aigu qui transperce les grandes déferlantes orchestrales et impose dans le fameux In fernem Land (« En un pays lointain »), qui marque le retour du chevalier parmi ses compagnons du Graal, le climax de l’incoercible émotion qu’est l’adieu à Elsa.

Le rideau de scène s’est ouvert sur une nuit d’étoiles tandis que la jeune Elsa scrute au télescope la constellation du Cygne. Elle attend le chevalier apparu dans ses rêves, celui qui bientôt la sauvera de l’accusation du meurtre de son frère, Gottfried. Le monde de l’enfance et du conte prélude au drame, tandis que se déploie la longue mélodie extatique scintillant aux cordes. Elsa restera seule, un livre « saint » entre les mains, face à son destin.

Une gestuelle mystique d’oratorio

Aux côtés du Lohengrin de Michael Spyres, une distribution de haut parage. Timo Riihonen est un roi Heinrich imposant, au chant empreint d’une noble gravité. Il est escorté par le Héraut d’Edwin Fardini, lequel séduit par l’élégance et l’autorité de sa ligne de chant. La fiancée du Chevalier n’est autre que la soprano sud-africaine Johanni van Oostrum, déjà dans le rôle d’Elsa, en septembre 2023, à l’Opéra de Paris, qui confère à l’héritière du royaume de Brabant une fraîcheur juvénile, des aigus épanouis et une féminité rayonnante, quoique voilée de mélancolie.

Elsa (Johanni van Oostrum) et Gottfried (rôle muet, Ilies Boumedine), dans l’opéra « Lohengrin », de Wagner, à l’Opéra du Rhin, à Strasbourg, en mars 2024.

Le couple qui a juré sa perte est composé de Friedrich von Telramund et de sa femme, Ortrud. Ils parviendront à briser la confiance qu’elle a placée en Lohengrin, lui à qui elle a juré de ne jamais demander ni son origine ni son nom. A la manœuvre, le Telramund ténébreux de Josef Wagner, avec ses faux airs de Nicolas Cage, dont la vocalité, un peu raide au début, se corse face à la montée en puissance de l’Ortrud de Martina Serafin, dont la présence venimeuse, la projection puissante et le timbre, hérissé d’aigus barbelés, s’affligent malheureusement d’un vibrato trop large. La soprano viennoise, qui a remplacé Anaïk Morel, initialement programmée, a vu son jeu de scène allégé à cause d’une mauvaise chute dans l’après-midi.

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