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Histoires Web jeudi, octobre 3
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Pas moins de trois prises de rôles dans la nouvelle production d’Aïda, de Verdi, qui ouvrait ce 27 septembre la saison de l’Opéra de Rouen Normandie. La première est celle du rôle-titre, Joyce El-Khoury, Libano-Canadienne dont l’élégance et la noblesse d’incarnation se parent de magnifiques aigus filés, lesquels ont hélas tendance à s’acidifier dans les passages plus puissamment projetés. Un peu timide en première partie, la soprano lyrique affirmera son chant au fur et à mesure que le destin de la princesse éthiopienne réduite en esclavage, déchirée entre l’amour pour son vainqueur égyptien et sa loyauté filiale, courra à la fin tragique qu’elle a choisi en rejoignant le tombeau du héros déchu.

Celui-ci n’est autre que Radamès, condamné par les siens à être emmuré vivant pour avoir révélé à sa belle des secrets militaires : doté d’un timbre agréable, le ténor britannique, Adam Smith, prête au héros de guerre égyptien une posture plus intimiste que martiale, proche de celle d’un Franco Corelli, dont il affirme suivre les traces. Il lui faudra encore affermir ses aigus et soigner davantage son style verdien. Reste que tous deux forment à la scène un couple particulièrement séduisant, ce qui permettra à la mise en scène de les mettre au lit en petite tenue dès l’ouverture. Mais nous y reviendrons.

Prosodie terrifiante

Entre les amoureux de l’impossible, Amneris, la fille du pharaon, follement éprise de Radamès et rivale d’Aïda, qu’impose avec autorité la mezzo russe Alisa Kolosova. Une voix puissante et voluptueuse, impériale sur toute la tessiture, n’était le furtif escamotage des aigus dans la scène du jugement. Mais la jeune femme convainc et impressionne par sa présence scénique et son engagement vocal. Ce sera également le cas du baryton géorgien Nikoloz Lagvilava, machine de guerre à la puissance destructrice, dont la prosodie terrifiante pourrait friser la caricature : en quoi l’ivresse de la vengeance empêche-t-elle le roi d’Ethiopie vaincu de prodiguer quelque tendresse à sa fille lorsqu’il la retrouve, avant de l’exhorter il est vrai à user de ses charmes afin de soutirer à son ennemi des renseignements stratégiques ?

Hormis un roi d’Egypte à court de souffle et de son (Emanuele Cordaro en méforme ?), on saluera le solide et franc messager de Nestor Galvan, la grande prêtresse à la jolie voix pure d’Iryna Kyshliaruk, Adolfo Corrado campant un grand prêtre Ramfis de belle tenue. Comme à l’accoutumée, le chœur Accentus se montre à la hauteur d’un enjeu qui place la barre haut. A la tête des forces de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et de l’Orchestre régional de Normandie, Pierre Bleuse dirige avec une attention particulière aux différents plans sonores, entraînant le flux musical dans une vision privilégiant l’architecture à la dramaturgie expressive. Si les cordes manquent parfois de sensualité, les vents sont de toute beauté, notamment dans la fameuse fanfare des trompettes de la victoire, spatialisée en haut de la scène.

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