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Histoires Web jeudi, novembre 14
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Le 7 novembre, l’Opéra de Dijon ouvrait le bal de L’Uomo femina, opéra-bouffe de Baldassare Galuppi (1706-1785) que l’on croyait perdu, jusqu’à ce qu’il soit retrouvé (à l’exception de trois airs manquants) en 2006, en parfait état de conservation, à la bibliothèque du palais d’Ajuda, à Lisbonne. L’œuvre n’a pas été montée in scena depuis sa création au Théâtre San Moisè de Venise, en 1762. Reste que son argumentaire a de quoi séduire, qui imagine une inversion des sexes, il est vrai plus prétexte au comique de situation qu’à une réflexion sur les stéréotypes de genre, dont le XXIe siècle a fait l’une de ses préoccupations majeures.

Deux naufragés débarquent sur une île toute méditerranéenne, où règne un ordre matriarcal qui donne aux femmes, en même temps que les pleins pouvoirs, les caractéristiques masculines de la virilité et de la jouissance du corps des hommes. Soumis, fragiles et frivoles, ceux-ci sont au contraire frappés de futilité, soucieux avant tout de leur apparence (coiffure, maquillage, bijoux, garde-robe) et de leur séduction. Une situation qui sidère évidemment nos rescapés bergamasques, sauvés in extremis par les confidentes de la princesse Cretidea, souveraine aussi intrépide sur le plan guerrier qu’amoureux. « Tout objet rejeté par les flots » étant « destiné au trésor royal », c’est sans vergogne que la souveraine se targuera de mettre le rétif Roberto dans son lit, au grand dam de Cassandra, qui s’est éprise du chevalier au premier regard, tandis que Ramira a jeté son dévolu sur son valet, Giannino.

Les ingrédients de la discorde sont réunis, entraînant colère, rivalités, trahison et coups de théâtre, le tout exacerbé par la jalousie du favori de la reine, Gelsomino, qui craint à bon droit d’être supplanté. Un dernier rebondissement révélant que Roberto et Cassandra sont en fait frère et sœur ramènera la paix, tandis que la reine, pour convoler avec Roberto, se soumet à la loi patriarcale de l’étranger. L’inversion des sexes n’a fait que conforter la suprématie de l’homme, au terme d’une crise qui signe la défaite des femmes. Et leur renvoi à la domesticité et à l’enfantement.

Une distribution musicale de premier plan

Un sujet en résonance potentielle avec notre modernité, une distribution musicale de premier plan, une metteuse en scène lyrique qui livre son second opus : L’Uomo femina coche a priori toutes les cases. C’est compter sans les longueurs d’une partition dont les quelques presciences mozartiennes (on lève l’oreille) se noient dans des océans de notes et des plages d’ennui (on la recouche). La faute n’incombe pas aux interprètes. Dans la fosse, la direction de Vincent Dumestre fait feu de tout bois, anime les rythmes de danse, jongle avec les timbres, ose des sonorités poétiques, comme ces deux airs suspensifs qu’accompagne la mandoline, dont on peut espérer qu’ils ont peut-être inspiré la fameuse sérénade à la fenêtre du Don Giovanni de Mozart.

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