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Histoires Web jeudi, octobre 17
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« Welcome back, Tom ! » : la première exposition en Europe de Tom Wesselmann (1931-2004) eut lieu en 1966 à Paris, à la galerie Ileana Sonnabend. L’artiste américain nous revient aujourd’hui en beaucoup plus grand – 150 œuvres, dont certaines monumentales – à la Fondation Louis Vuitton dans une scénographie très joyeuse de l’architecte Jean-François Bodin. Rendant compte dans Le Monde de l’exposition de 1966, notre lointain confrère Jacques Michel saluait dans le pop art « une école de contestation et d’ironie, une sorte d’humour pictural qui s’exerce sur l’environnement social. Tout simplement les “modèles” qu’il a choisis sont puisés dans la publicité, laquelle doit utiliser un langage assimilable par le plus grand nombre », et pointait chez Wesselmann deux thèmes majeurs : « L’idéal féminin et des produits de grande consommation tels que les présente le système publicitaire outre-Atlantique… »

Précisant le cas des femmes, il relevait la mise en avant « avec une aberrante évidence [d]es particularités de cet être mythique : sa bouche et ses seins. C’est la femme et toutes les femmes à la fois, une synthèse mise au point pour les besoins de la cause par un système de communication de masse commercial qui a assimilé les théories freudiennes de frustrations ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Danièle Thompson, muse de Tom Wesselmann : « Il avait cet aspect direct, sans artifices. C’était un bûcheron qui avait décidé de faire de l’art »

Une autre critique de l’époque fut Herta Wescher, qui écrivait pour la revue Cimaise. D’origine allemande, elle avait fui son pays en proie au nazisme, mais eu le temps d’assister à la naissance du dadaïsme berlinois, et connu notamment Kurt Schwitters. Sa réaction, lorsque déferlera à Paris le pop art américain, fut dédaigneuse : du déjà-vu, une resucée du dadaïsme. Ou comment passer à côté d’une avant-garde parce que l’on connaît trop bien la précédente…

Profondeurs sociologiques et culturelles

C’est pourtant, en creux, un hommage inconscient à Herta Wescher auquel se livre la Fondation Louis Vuitton, en plaçant précisément le pop art dans la filiation du dadaïsme. En y ajoutant les petits jeunes – dont Jeff Koons – qui peuvent se revendiquer du pop, ce sont 70 œuvres de 35 artistes, dont Marcel Duchamp, Hannah Höch et Kurt Schwitters, qui accompagnent Wesselmann dans son séjour parisien.

Avec Dieter Buchhart et Anna Karina Hofbauer, les commissaires de l’exposition, Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault, a pu négocier avec la succession de Tom Wesselmann des prêts de grande ampleur, des œuvres rarement voire jamais prêtées. C’est donc non seulement Wesselmann tel qu’on ne l’a jamais vu que propose l’exposition, mais aussi la mise en évidence de sa place dans une histoire de l’art qui commence bien sûr avant lui, mais connaît après lui une descendance variée et foisonnante. Avant d’être un mouvement, le pop art est un état d’esprit, bien plus universel que ne le supposent ses simples limites géographiques et chronologiques, qui traverse plusieurs générations.

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