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Histoires Web vendredi, décembre 27
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Et pan ! Un homme est mort. Un homme devait mourir. Mais est-ce bien le bon ? Le mort utile, celui qui devait servir à régler quelques petits problèmes ? L’humour grince et réjouit, dans ce joyau du répertoire russe qu’est Le Suicidé, de Nicolaï Erdman, que l’on était particulièrement heureux de retrouver à la Comédie-Française, dans une mise en scène de Stéphane Varupenne, un des comédiens de la troupe. Las ! Ce Suicidé est apparu bien poussif, se tirant une balle dans le pied en restant en surface sur la dimension vaudevillesque de la pièce.

Nicolaï Erdman l’a écrite à la charnière de 1928 et 1929, au moment où la Russie stalinienne commence à basculer dans la terreur, cette comédie qui épingle aussi bien les dérives totalitaires de la révolution en cours que les médiocrités de l’esprit petit-bourgeois. Dans la lignée des grandes comédies de Gogol, l’auteur y déploie un humour russe noir, acide et absurde, à son summum. Il le paiera cher : dès sa publication, en 1930, la pièce est interdite par la censure. Nicolaï Erdman vivra en relégation jusqu’en 1949, où il sera autorisé à revenir à Moscou, et n’écrira plus rien de significatif. Il faudra attendre 1990 pour que Le Suicidé soit enfin monté en Russie.

La pièce a donc une aura un peu mythique, et, ces dernières années, avec la montée d’une nouvelle forme de terreur en Russie, elle est revenue s’inviter sur les plateaux. Pour autant, elle n’est pas simple à mettre en scène. Ses fonds et doubles fonds politiques et métaphysiques en font toute la grandeur, derrière la mécanique du vaudeville à la Labiche. Tout commence d’ailleurs par une scène de ménage, dans le kommunalka (appartement communautaire) où vit Sémione Sémionovitch, l’antihéros de la pièce. Et tout commence avec un problème majeur : la faim – laquelle a autant d’importance chez Erdman que chez Brecht à la même époque, comme moteur anthropologique de la guerre de tous contre tous.

Huis clos sans intimité

Sémione, petit homme ordinaire, dévirilisé et déconsidéré depuis qu’il est au chômage, réveille sa femme en pleine nuit, parce qu’il veut manger du saucisson de foie. L’épouse l’envoie balader et, ni une ni deux, Sémione menace de se suicider. A partir de là, une folle mécanique s’enclenche, dans le huis clos sans intimité où vivent les personnages. La nouvelle qu’un homme veut mourir se répand comme une traînée de poudre, à tous les niveaux de la société. Le suicidé, une fois mort, va devoir parler, dans un monde où les vivants n’ont plus droit à la parole. Tout ce que Moscou compte de groupes de pression va donc tenter de s’approprier le message post mortem de Sémione : la religion, les intellectuels, les bourgeoises défendant l’amour romantique et la lingerie fine ou les artisans bouchers.

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