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Histoires Web jeudi, mars 6
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L’une des œuvres les plus anciennes de « Corps et âmes » est aussi l’une des plus célèbres : Noire et blanche, photographie de Man Ray de 1926. La modèle Kiki de Montparnasse, allongée, son visage stylisé par le maquillage, ses cheveux noirs luisants, tient d’une main un petit masque africain, sans doute ivoirien, dont la patine est aussi sombre et brillante que ses cheveux. L’œuvre fut d’abord publiée dans Vogue sous le titre Visage de nacre et masque d’ébène avant de se voir débarrasser de l’allusion désastreuse au bois d’ébène et donc à la traite négrière. L’image est célébrée d’habitude pour sa composition équilibrée et son érotisme élégant. Mais il est aussi juste d’y voir l’une des icônes de ce qui s’appelait alors à Paris la « mode nègre », laquelle célébrait avec la même ardeur Joséphine Baker, l’empire colonial français et la grâce d’une statuaire qui n’était appréciée que pour ses qualités plastiques, sans aucune considération ni de son sens originel ni des conditions de son déplacement en Europe.

Selon le regard qu’on lui porte, Noire et blanche est ainsi soit un hymne à la beauté, soit le signe d’une histoire tragique. A quelques pas du Man Ray est accrochée une sculpture de l’Américaine Sherrie Levine, en bronze doré du plus bel effet, Body Mask. De loin, on croirait voir le buste nu d’une femme enceinte. Mais c’est un masque corporel de fécondité propre au peuple makondé (Tanzanie et Mozambique), un type de pièce très recherché par les collectionneurs. En convertissant le bois en bronze luxueux, Levine suggère que ce masque rituel n’est plus qu’un objet d’art coûteux. Se contenter d’admirer ses volumes et sa matière, ce serait manquer l’essentiel de ce que signifie l’œuvre.

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