Le plus ancien parti politique prodémocratie de Hongkong, né il y a trente ans avant la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine, a voté, dimanche 13 avril, en faveur de son autodissolution sur proposition de ses dirigeants, après avoir été au front des manifestations massives de 2019 réprimées par Pékin.
Le vote « signifie que la plupart de nos membres sont d’accord avec le fait d’autoriser le comité central à prendre des mesures pour dissoudre le parti », a déclaré Lo Kin-hein, président du mouvement, lors d’une conférence de presse, faisant savoir toutefois que le vote de dimanche n’était « pas la décision finale » et que d’autres procédures auraient lieu « dans les prochains mois ».
Lo Kin-hei avait annoncé, à la fin de février, une probable autodissolution, estimant que « développer la démocratie à Hongkong est toujours difficile ». Il avait invoqué « l’environnement politique général et tous les futurs scénarios que nous pouvons prévoir », sans toutefois dire si Pékin avait fait pression.
Le Parti démocrate a été fondé en 1994 par la fusion de plusieurs mouvements démocratiques. Ses premiers dirigeants ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration du principe « Un pays, deux systèmes » : il s’agit d’un arrangement constitutionnel qui promet à Hongkong de conserver un haut degré d’autonomie et de bénéficier du respect des droits humains après la rétrocession, en 1997, par le Royaume-Uni, de sa colonie à la Chine.
Le parti est ensuite devenu la voix la plus influente à l’Assemblée de Hongkong et est à l’avant-poste des manifestations prodémocratie des années 2010. Mais il a perdu par la suite son poids politique à mesure que Pékin serrait la vis, jusqu’à imposer, en 2020, une loi sur la sécurité nationale en répression de la mobilisation monstre de 2019.
De nombreuses figures exilées ou emprisonnées
Nombre de figures de ce mouvement prodémocratie se sont exilées ou ont été emprisonnées, la justice hongkongaise condamnant encore, à la fin de novembre, quarante-cinq personnes à des peines allant jusqu’à dix ans de prison.
L’une des plus connues est l’ancien magnat des médias, Jimmy Lai, en prison depuis décembre 2020. Il a encore comparu en procès en janvier pour une prétendue collusion avec l’étranger car il avait organisé en 2017 des rencontres entre des dirigeants américains et la présidente d’alors de Taïwan, Tsai Ing-wen.
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Aujourd’hui exilé au Royaume-Uni, le Hongkongais Lee Wing-tat, fut l’un des fondateurs du Parti démocrate. Il se rappelle être entré en politique encouragé par la promesse de Pékin que « Hongkong [serait] gouverné par le peuple de Hongkong ». « Je me suis rendu compte en vieillissant que ces slogans étaient des bobards, mais il est difficile de reprocher à un jeune de 20 ans d’être idéaliste », se justifie M. Lee.
Quatre anciens députés du Parti démocrate, dont l’ex-président, Wu Chi-wai, purgent des peines de prison après avoir été reconnus coupables l’an passé de subversion aux termes de la loi sur la sécurité nationale.
Le parti n’a plus de sièges à l’Assemblée après que ses élus eurent démissionné en 2020 pour protester contre la reprise en main chinoise et que Hongkong eut remanié son système électoral en 2021 pour le réserver à des « patriotes ». Cela sonnait alors le début de la fin pour le Parti démocrate.
Ramon Yuen, son ancien trésorier, se souvient que les démocrates étaient à l’époque considérés comme des parias dans l’opulente cité financière. Des restaurants refusaient d’accueillir leurs banquets et « on pouvait à peine se réunir en public », témoigne-t-il. Si bien que M. Yuen est favorable à l’autodissolution.
La militante hongkongaise, Emily Lau, 73 ans, qui fut jusqu’en 2016 la présidente du Parti démocrate, pense le contraire : « Pourquoi devrions-nous nous démanteler ? C’est une question à laquelle je voudrais que les Hongkongais répondent », plaide-t-elle.
Lors d’une récente visite à ses camarades à la prison de Stanley, au sud de l’île de Hongkong, Mme Lau, qui n’est pas poursuivie en justice, a salué devant la presse le « destin » de son prédécesseur à la tête du parti, le « très patriotique » Albert Ho. Ce dernier est inculpé d’atteinte à la sécurité nationale et risque de finir sa vie en prison. Devant l’établissement pénitentiaire, Mme Lau a affirmé qu’elle rendait régulièrement visite aux démocrates hongkongais incarcérés pour qu’ils sachent qu’« on ne les oublie pas », alors que leur parti devrait bien disparaître.