Adnan Alaoda se sent chez lui au café Rawda de Damas, rue Al-Abed. « C’est comme un salon, une pièce à vivre au centre de la ville », estime le poète et scénariste. Depuis que cet ancien exilé est revenu en Syrie, le 8 janvier, un mois après la chute de Bachar Al-Assad, il y passe ses journées dans le nuage de fumée de cigarettes et de narguilés qui plane sur la grande salle, où se croisent anonymes et artistes. Là, intellectuels et opposants ayant fui le régime, de retour ou de passage au pays, retrouvent des amis et des souvenirs.
Adnan Alaoda évoque les séances d’écriture de scénarios, avec des pairs, autour de tasses de café et de thé, avant de quitter la Syrie en 2013, par refus de cautionner la guerre dans laquelle avait sombré le pays, après la répression de la révolte populaire de 2011. « Aujourd’hui, on parle de culture et de politique : quelle direction emprunte le nouveau gouvernement [de Hayat Tahrir Al-Cham, l’autorité de facto], civile ou islamiste ? Comment former des syndicats ? Comment construire la paix civile ? C’est comme un Parlement populaire, explique-t-il. On doit tout reconstruire de zéro, après plus de cinquante ans d’un régime construit autour d’une famille mafieuse. »
Depuis le 8 décembre 2024, moments festifs et discussions publiques alternent dans le café Rawda, sous des guirlandes de fanions vert, blanc, noir, frappés de trois étoiles, les couleurs de la nouvelle Syrie. L’ancien député Riad Seif, tout comme l’acteur Jamal Suliman et l’écrivain Yassine Al-Haj Saleh, trois figures de proue de l’ex-opposition, tous revenus d’exil, fréquentent le lieu. L’ambiance s’est rajeunie : de jeunes hommes de Damas, qui limitaient leurs déplacements pour échapper au service militaire, s’affichent désormais dans cet espace public.
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