Lors de bévues policières, des images amateurs, tournées par des témoins, peuvent parfois mettre à mal les explications livrées par les forces de l’ordre. Mais ce 5 novembre, à Corbeil-Essonnes (Essonne), c’est la caméra-piéton portée par un policier, le gardien de la paix D., qui contredit le récit qu’il a lui-même livré à propos de l’interpellation musclée de Younès D., révélée par le Bondy Blog. Ces images, que Le Monde dévoile, offrent une autre version de l’interpellation de cet habitant du quartier, âgé de 22 ans, qui s’est vu octroyer trois jours d’interruption temporaire de travail (ITT).
A 17 heures, ce 5 novembre, Younès D. se trouve dans son quartier de Montconseil, avec plusieurs autres personnes, quand un équipage de police du service d’ordre public 91 les croise. Selon les déclarations de l’officier responsable, le lieutenant B., son groupe cherche à ce moment un individu avec une capuche, qui aurait fui à leur approche peu auparavant. Ils décident donc de contrôler le petit groupe. La suite, c’est le gardien de la paix D. qui en livre une première version, dans le procès-verbal d’interpellation qu’il est chargé de rédiger, puis au cours de son audition dans la nuit, consécutif à son dépôt de plainte à l’encontre de Younès D.
Le policier, après avoir indiqué que le quartier de Montconseil est réputé « sensible, hostile à la présence des forces de l’ordre », décrit une situation qui se tend rapidement. « Un individu (…) se montre hostile envers l’exercice de notre travail », « s’agite et vocifère », « se montre de plus en plus récalcitrant et commence à gesticuler dans tous les sens ». En audition, il maintient que le jeune homme « était vraiment récalcitrant, il se tendait et gesticulait dans tous les sens ». Après quelque temps, Younès D. « amorce le pas, laissant penser à une tentative de quitter la zone de contrôle », amenant l’agent à le saisir pour « le stopper dans ses mouvements ». Le lieutenant stagiaire H., lui aussi auditionné, mentionne que l’individu « s’impatiente et semble chercher une échappatoire » et indique que, après avoir détourné le regard un temps, il « constate que [s]on collègue [D.] est agrippé par [Younès D.] ».
Une grenade de désencerclement utilisée
En audition, le gardien de la paix D. indique avoir déclenché sa caméra « au début du contrôle [lorsqu’il a] vu que les individus étaient récalcitrants et que le contrôle pouvait dégénérer ». En réalité, ce n’est qu’au moment où le policier empoigne Younès D. que l’enregistrement est déclenché – un bip sonore caractéristique l’indique. Les images ne permettent pas de savoir si l’agent a volontairement allumé sa caméra, ou si un contact involontaire en est responsable. Reste que ce déclenchement permet également de connaître les trente secondes qui le précèdent, car ces caméras-piétons ont la particularité de filmer en continu lorsqu’elles sont « éteintes », en ne conservant que trente secondes de mémoire. Lorsque la caméra est allumée, ces secondes sont automatiquement ajoutées au début de l’enregistrement.
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