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L’usine n’a jamais craché autant de fumée. La haute cheminée à la peinture décrépite est à l’arrêt depuis des lustres, mais des panaches âcres et épais s’élèvent dans le ciel choletais (Maine-et-Loire). Depuis mardi 5 novembre, jour où la direction du groupe Michelin leur a annoncé la fermeture de leur usine et de celle de Vannes, sacrifiant 1 254 emplois au total, les salariés choletais alimentent un brasier de pneus à l’entrée du site, complètement paralysé.

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Sous un ciel désespérément bas, Daniel Martins (39 ans) se réchauffe à proximité. Vérificateur, il affiche sept années d’ancienneté, d’abord à Avallon (Yonne) puis à Cholet. ll ne se fait pas d’illusions sur la suite et d’éventuelles mesures de reclassement. « On espère du pognon surtout. Le Père Noël, ça fait longtemps que je n’y crois plus. Quand on voit le climat en France, on sent bien que c’est la fin des haricots. » A ses côtés, Serge Moriau a fait toute sa carrière dans l’usine « dont vingt-cinq ans à la CGT ». Il est retraité depuis six ans mais il tenait à être là près de ses camarades. « C’est con pour les jeunes, mais on se dit que Michelin peut payer. Il a fait pas mal d’argent sur notre dos. »

Sur le mur de façade, près du bibendum grimé en diable, avec cornes rouges et queue fourchue, un tagueur en pétard rappelle les 2 milliards de bénéfices enregistrés par le groupe auvergnat en 2023 et dresse la liste des fermetures successives d’usines en France : Toul (Meurthe-et-Moselle) en 2007, La Roche-sur-Yon en 2020, Poitiers en 2023 et, maintenant, Cholet et Vannes. Il conclut, vengeur : « A qui le tour ? »

« C’est pour les plus jeunes que c’est dur »

Ce mercredi 6 novembre, Jérémie Pineau témoigne de son cas devant la délégation des « insoumis », emmenée par Manuel Bompard et Clémence Guetté. « Ils ont vidé les stocks de pneus discrètement, le week-end juste avant l’annonce. Ils ont anticipé le fait qu’on allait bloquer l’usine, croit-il savoir. Les ouvriers qui se rebellent, c’est un classique. » Cariste « au mélangeage », il côtoie d’anciens salariés de La Roche-sur-Yon. Soixante-dix-neuf d’entre eux sur les 619 que comptait l’usine condamnée ont rejoint Cholet en 2020.

« Tout ce qui se vit ici, ils l’ont déjà vécu là-bas. Un camarade m’avait prévenu : un jour, ils vont vous interdire l’entrée du site et le lendemain, ils annonceront la fermeture. C’est ce qu’ils ont fait. » Spencer Milton, 37 ans, conducteur de machine, peut en témoigner, il a vécu la fermeture de l’usine vendéenne. « Il va falloir recommencer de zéro. Mais cette fois, j’arrête là », dit-il en parlant du fabricant de pneus.

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