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David Goubault est réparateur avant cuisson, trente-trois ans de maison. Avant lui, son père travaillait déjà chez Michelin. C’est dire si la famille a vu évoluer cette usine inaugurée en 1970 et qui fut longtemps le premier employeur privé de Cholet (Maine-et-Loire). Avec 961 salariés, elle est aujourd’hui dépassée par Thales et ses systèmes de brouillage des télécommunications. « Et ça baisse tous les mois », soupire le syndicaliste CGT. Dans le préfabriqué qui sert de local au comité d’entreprise, en lisière du site industriel flanqué du célèbre Bibendum, les représentants du personnel sont perplexes et inquiets.

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Ils le devinent, les difficultés du fabricant de pneus auvergnat font peser un risque majeur sur la pérennité du site choletais, désormais spécialisé dans la production d’enveloppes (ici, on ne parle pas de pneus) pour les camionnettes et les SUV. A l’issue du dernier comité social et économique (CSE), l’intersyndicale de Michelin (CFE-CGC, CGT, FO et SUD) a annoncé le 16 octobre qu’elle se retirait de toutes les réunions de travail avec la direction, faute de réponses claires sur le sort réservé aux trois sites menacés de Cholet, Vannes (Morbihan, 299 salariés) et Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire, 155 salariés).

A Cholet, c’est une évidence, la charge de travail ne cesse de s’alléger. « Il n’y a pas de boulot pour les trois équipes. Chacun en fait un peu pour en laisser aux autres », explique Fabien, 50 ans (il a requis l’anonymat), à la sortie de l’usine ce lundi 21 octobre. Rares sont ceux à accepter de s’exprimer sitôt la pointeuse et le tourniquet passés. « On voit bien que c’est en train de mal tourner », reprend ce technicien affecté aux coupeuses grandes largeurs. « Les bécanes sont usées et les locaux fatigués. »

Chute brutale

Richard Grangien, secrétaire du CSE et conducteur de machine, vingt ans de présence, joue les historiens : « En 2016, le directeur de l’époque avait fixé un objectif à six millions d’enveloppes par an. On n’en était pas loin – 5,6 millions, de mémoire, en 2017. Mais aujourd’hui, on est descendus à 2,5. » La raison de cette chute brutale, les salariés l’ont bien comprise : « On a perdu beaucoup de marchés constructeurs. On continue à faire de la première monte, mais c’est du luxe. Et Michelin ne veut pas aller sur le marché du low cost. »

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A Joué-lès-Tours, raconte Morgane Royer, « ils jouent carrément à la pétanque. Ici, les collègues achètent des jeux de cartes en prévision ». Cette technicienne de maintenance et déléguée SUD est arrivée de Clermont-Ferrand il y a neuf ans. « A l’époque, on m’a dit “tu peux aller à Cholet les yeux fermés”. Aujourd’hui, il y a des rumeurs de fermeture toutes les semaines. Les gens ne parlent que de ça. » Sa collègue Sarra Khelifa, vérificatrice aspect, abonde : « Les gens ne sont pas bêtes, ils voient bien la production baisser d’année en année. C’est vachement anxiogène. »

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