A la suite d’une décision de justice, le conseil municipal de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) a voté, lundi 5 mai au soir, en faveur du changement de nom de la rue de La Négresse en rue de l’Allégresse, mais sans débaptiser un quartier éponyme. Les élus ont abrogé deux délibérations, l’une datée de 1986 qui avait baptisé la rue de La Négresse, et l’autre de 1861, supposée avoir introduit ce nom pour un quartier.
Le 6 février, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait fait droit à une demande de l’association bordelaise Mémoires et Partages, en donnant trois mois à la municipalité biarrote pour abroger ces deux délibérations. L’appellation La Négresse, « raciste et sexiste » selon les requérants, est « de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine », avaient conclu les juges.
« En dépit d’un désaccord sur le fond et la forme, nous devons exécuter cette décision », a déclaré Maider Arosteguy, la maire (Les Républicains) de Biarritz, au début du conseil municipal. Avant le vote, plusieurs élus d’opposition ont fustigé une « capitulation » face à « l’ingérence inédite » de « juges étrangers à notre réalité locale », qui demandent à « effacer l’histoire sans l’expliquer ».
Mémoires et partages, qui promeut le travail de mémoire sur la colonisation et l’esclavage, avait demandé en 2019 à la mairie de Biarritz d’abroger les délibérations de 1986 et 1861. La maire ayant refusé, l’association bordelaise avait saisi le tribunal administratif de Pau qui a rejeté son recours par un jugement du 21 décembre 2023. L’association avait alors saisi la cour administrative d’appel qui lui a donné raison, suivant l’avis de la rapporteuse publique, qui avait estimé que « l’évolution sémantique » du mot lui confère aujourd’hui une « connotation insultante ».
L’affaire désormais devant le Conseil d’Etat
Lundi, le conseil municipal, après avoir abrogé les deux délibérations visées, s’est toutefois borné à renommer uniquement la rue, invoquant le Code général des collectivités territoriales qui oblige une commune à dénommer ses rues, mais pas un quartier. La maire fait d’ailleurs valoir un « nom d’usage, qui n’a pas de qualification administrative ».
En conséquence, le panneau de la rue de La Négresse sera bien enlevé et changé d’ici au 16 juin, mais « aucune décision n’oblige à enlever les mots “La Négresse” sur le reste de l’espace public », a insisté Maider Arosteguy à l’issue du conseil.
L’édile « espère » maintenant que « le Conseil d’Etat va rétablir la décision de la première instance » rendue à Pau, à savoir le rejet de la demande formulée par l’association Mémoires et Partages.
L’association Mémoires et Partages, avant le conseil, revendiquait de son côté une « victoire totale » face à un terme qui « banalisait un archétype raciste », tout en regrettant un « énième pied de nez » avec le choix du nom l’Allégresse, retenu après une consultation citoyenne.