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« Des hordes de retraités libidineux qui parcourent la ville par petits groupes, hostiles et vociférants, exposant à la vue de tous l’obscénité livide de leurs jambes variqueuses et de leurs orteils dénudés. » Le portrait au vitriol des croisiéristes se propageant dans les rues d’Ajaccio est signé du Prix Goncourt 2012 Jérôme Ferrari, qui s’interroge sur le sens du tourisme de masse dans son roman paru en août, Nord Sentinelle (Actes Sud, 144 pages, 17,80 euros), du nom de cette île isolée du sud de l’Inde, où aucun visiteur étranger n’est admis, sous peine d’être tué par les autochtones.

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En concentrant 90 % de l’activité, Ajaccio est sans conteste la capitale régionale des croisières avec, pour la seule année 2023, près de 420 000 passagers et 205 paquebots ayant accosté sur l’unique môle insulaire réservé aux géants des mers. Ce tapis rouge en béton armé pour les croisiéristes, déroulé depuis 2008 par la chambre de commerce et d’industrie, divise à présent, au point qu’en septembre 2022 le collectif Stop croisières Ajaccio revendiquait plus de 26 600 signatures pour sa pétition en ligne visant ces « bateaux de croisière gigantesques totalement anachroniques ».

« Il y a un aveuglement collectif sur ce sujet, car c’est le tiroir-caisse qui mène la danse », ironise un quinquagénaire ajaccien préférant garder l’anonymat. Il a fui il y a quelques années ce centre ancien qui pullule aujourd’hui de « boutiques de souvenirs, de commerces de restauration rapide » ; un quartier dont les trottoirs sont « envahis de touristes ressemblant à du bétail, se ruant sur la plage Saint-François », au pied de la citadelle génoise.

« Un risque sanitaire avéré »

D’après une étude commandée par la chambre de commerce et d’industrie portant sur la saison 2023 et s’appuyant sur un échantillon de 768 personnes réparties en 47 navires, les retombées économiques liées aux croisières à Ajaccio représentent 27 millions d’euros, dont 5,6 millions de taxes portuaires. Elles génèrent par ailleurs 7 millions d’euros de valeur ajoutée, pour 240 emplois créés. Plus d’un croisiériste sur cinq (22 %) choisit de faire une excursion à quai, en s’acquittant de la somme de 68 euros. Hors activité, chaque passager débourse en moyenne 30,70 euros.

« C’est vrai que ces croisières peuvent être étouffantes pour le citoyen, mais sans cela, les commerces du centre-ville seraient aussitôt à − 30 % ou − 40 % de chiffre d’affaires », calcule Frédéric (qui, comme d’autres intervenants, n’a pas donné son patronyme), de la terrasse de son commerce de restauration rapide, près du port. Jeanne, une retraitée dont le balcon donne directement sur la proue des paquebots, époussette avec son doigt la trace déposée chaque jour par les fumées sur sa rambarde. « Il y a aussi les voitures qui polluent », nuance-t-elle.

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