Après deux semaines de procès à huis clos et plus de neuf heures de délibéré, trois anciens joueurs de rugby de Grenoble ont été condamnés, vendredi 13 décembre, à des peines de douze à quatorze ans de réclusion criminelle pour avoir violé une jeune femme, en 2017 à Bordeaux, après une soirée très alcoolisée qui avait suivi un match de championnat du Top 14.
Dans le détail, l’Irlandais Denis Coulson et le Français Loïck Jammes ont été condamnés à quatorze ans de prison, et le Néo-Zélandais Rory Grice à douze ans.
Ces condamnations sont conformes aux réquisitions de l’avocat général. Les faits de « viol en réunion » dont ils étaient accusés sont passibles de vingt ans de réclusion. Les avocats des trois hommes ont annoncé leur volonté de faire appel et de déposer au plus vite une demande de mise en liberté.
Le 12 mars 2017 au matin, la victime, âgée alors de 20 ans, avait quitté en larmes un hôtel de Mérignac, en périphérie de Bordeaux, où l’équipe de Grenoble avait séjourné après sa défaite contre l’Union Bordeaux-Bègles. L’étudiante avait porté plainte, déclarant avoir rencontré des joueurs dans un bar et les avoir suivis en discothèque lors d’une soirée très alcoolisée, sans se souvenir de la suite. Elle ajoutait s’être réveillée le lendemain, nue sur un lit avec une béquille dans le vagin, entourée de deux hommes nus et d’autres habillés.
La victime alcoolisée à hauteur de 2,2 à 3 grammes d’alcool par litre de sang
Coulson, Jammes et Grice ont reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la jeune femme mais assurent depuis le début qu’elle était consentante et prenant même des initiatives, version maintenue au procès. En se basant notamment sur une vidéo filmée par Coulson, l’accusation a évoqué plusieurs fellations et l’introduction d’une banane, d’une bouteille et de béquilles dans le vagin de la victime.
D’après un expert toxicologique, elle aurait eu entre 2,2 et 3 grammes d’alcool par litre de sang. Selon des images de vidéosurveillance, elle tenait difficilement debout à son arrivée à l’hôtel, au point d’être « constamment maintenue » par un des accusés.
Corinne Dreyfus-Schmidt, avocate de l’Irlandais Denis Coulson, âgé aujourd’hui de 30 ans et reconverti dans le BTP, s’est dite « extrêmement choquée » par le verdict. « La cour n’a pas tenu compte du fait que les faits datent de sept ans, que mon client avait 22 ans à l’époque et qu’il n’a effectué aucun jour de détention. Quel est l’intérêt pour la société de le condamner à quatorze ans ? Aucun, sinon de briser une vie », a-t-elle déclaré.
L’un des avocats de Loïck Jammes, Me Jean-Félix Luciani, a également dénoncé « des peines injustes, d’une sévérité à coup sûr évidente, mais qui restent des peines de première instance ».
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« Ce soir, on a envoyé un message, on a dit à une victime qu’on la croit (…) On a dit à ces garçons qu’ils n’avaient pas le droit de faire ce qu’ils ont fait à la victime », a en revanche réagi Me Grégoire Mouly, avocat de la victime.
« Ça donne un signal très fort aux hommes de ce pays, au monde du rugby, aux femmes aussi. Mesdames, vous pouvez vous habiller comme vous voulez, boire autant que vous voulez, cette liberté-là n’a pas de prix, même si on a voulu la remettre en cause », a déclaré un autre avocat de la victime, Me Gaessy Gros.
Deux autres joueurs condamnés pour ne pas être intervenu
A l’inverse de Denis Coulson, Loïck Jammes (30 ans) et Rory Grice (34 ans) jouent toujours au rugby, le premier à Aix-en-Provence et le second à Oyonnax, deux clubs de Pro D2. Le club de Provence Rugby, qui a exprimé dans un communiqué ses « sincères pensées pour la plaignante », a dit se réserver « le droit de prendre des décisions complémentaires » contre Jammes, tout en assurant « respecter évidemment la possibilité d’appel ».
La cour d’assises de Gironde a également condamné l’Irlandais Chris Farrell (31 ans), qui joue lui aussi à Oyonnax, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et le Néo-Zélandais Dylan Hayes (30 ans), aujourd’hui sans emploi, à deux ans avec sursis, pour avoir assisté à tout ou partie des faits sans intervenir.
Ce verdict intervient trois jours après le non-lieu prononcé par la justice argentine dans la procédure pour viol aggravé qui visait deux internationaux français, Oscar Jegou et Hugo Auradou. Elle a estimé que leurs relations avec la plaignante, rencontrée en boîte de nuit au soir de leur première sélection en Argentine, avaient été consenties. L’avocate de cette dernière va faire appel.