A force de souffler le chaud et le froid, Ankara prend le risque de brouiller encore un peu plus son action, sans éviter les dangers de faire reculer la cause qu’il voudrait faire avancer. Alors que le président Recep Tayyip Erdogan montre depuis deux mois une volonté de « tendre la main aux frères kurdes », laissant entrevoir la possibilité de libérer le chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, condamné à vie et détenu depuis 1999 sur une île au large d’Istanbul, une vague d’arrestations vient de s’abattre, mardi 26 et mercredi 27 novembre, sur les milieux de l’opposition dans différentes villes principalement situées dans le sud-est du pays. L’opération, diligentée par le ministère de l’intérieur, fait suite à une demi-douzaine de destitutions, ces derniers jours et semaines, de maires kurdes élus aux municipales de mars.
Dans un message sur son compte Facebook et sur le réseau X, le ministre de l’intérieur Ali Yerlikaya a précisé que « 231 membres présumés d’organisations terroristes » ont été arrêtés en deux jours dans « trente provinces ». Ces personnes ont été appréhendées pour « financement » ou « propagande » au profit du PKK ou parce que leur « nom apparaissait au sein des structures politiques et médiatiques de l’organisation terroriste PKK », a-t-il ajouté.
Parmi les listes des personnes arrêtées, on dénombre, pour l’heure, neuf journalistes dont Roza Metina, la présidente de l’Association des femmes journalistes de l’agence Mezopotamya, le photographe Emrah Kelekçier, l’auteur Abdurrahman Aydin, le réalisateur Ardin Diren, le dessinateur Dogan Güzel, le syndicaliste de la confédération DISK Remzi Çaliskan, l’un des fondateurs à Istanbul de l’Association des droits de l’homme Nimet Tanrikulu ou encore le poète Hicri Izgören.
Dossiers judiciaires classés confidentiels
Dans la ville de Şirnak, près de la frontière avec la Syrie et l’Irak, 23 arrestations ont eu lieu et plusieurs maisons perquisitionnées. L’élue régionale du Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples (DEM, gauche prokurde) Müzeyyen Inan fait partie des personnes appréhendées, ainsi qu’un mineur de 17 ans, Zinar Elinç. A Diyarbakir, la plus grande ville du sud-est à majorité kurde, dix des personnes interpellées, parmi lesquelles se trouvent le comaire de l’arrondissement de Peyas, Cengiz Dündar, et l’élu du conseil municipal de Yenisehir, Siyabend Demir, ont été transférés à Ankara.
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