« La musique. La musique est ma vie. Je lui ai consacré ma vie. A travers elle, j’exprime mes émotions, mes pensées… » Ces mots appartiennent à un enfant. Une dizaine d’années, de grands yeux bruns. La séquence d’archives ouvre le documentaire Retour à Belgrade, que Stéphanie Argerich et Jörg Brockmann ont tourné pour France 2 autour du violoniste Nemanja Radulovic, en 2009, dans cette Serbie natale où il a vu le jour, le 18 octobre 1985, à Nis, « la deuxième ville la plus importante après la capitale », précise le jeune homme de 39 ans rencontré à Paris le 24 octobre dans les studios de Radio Classique.
Quelques jours plus tôt, le musicien officiait, Salle Gaveau à Paris, pour un concert au profit de l’association Enfance Majuscule, qui œuvre contre la maltraitance infantile. Au programme, l’exigeante Sonate pour violon, de César Franck, les trépidantes Danses roumaines, de Béla Bartok, en duo avec la pianiste Stéphanie Fontanarosa. D’un côté, un joyau de la musique française, joué avec une émotion, une économie de moyens et un travail remarquable sur le son. De l’autre, la maestria du virtuose sauvageon dont l’énergie transcende chaque coup d’archet, chaque note. Au total, un charisme, une générosité et un charme qui ont fait de Nemanja Radulovic une figure médiatique.
Bombardements à Belgrade
« L’homme du nord » (traduction de son prénom serbe) vient d’une famille mélomane de la classe moyenne, une mère médecin, un père informaticien. « Celle de ma mère était en territoire austro-hongrois, celle de mon père sous domination ottomane. Mes deux sœurs aînées et moi avons été éduqués dans l’idée que le monde appartient à tous. Je ne comprends toujours pas pourquoi ces idées ne sont pas plus partagées. » Jelisaveta et Danica jouent du violoncelle, lui s’intéresse au piano, mais c’est le violon que lui destine le jury chargé d’examiner les aptitudes musicales du garçon de 7 ans. Premiers concerts deux ans plus tard. « J’ai toujours aimé jouer en public, je n’avais pas le trac. Encore aujourd’hui, j’adore voir la joie sur le visage des gens », confie-t-il.
Auprès de Dejan Mihailovic (1932-2016), ancien élève de David Oïstrakh (1908-1974) à Moscou, le jeune homme est formé à la prestigieuse école de violon russe (soviétique). D’abord à Sarrebruck, en Allemagne, puis à Belgrade. Un parcours rapidement jalonné de concours et de récompenses. Nemanja Radulovic a 13 ans quand les avions de l’OTAN lâchent leurs bombes, le 24 mars 1999, sur la capitale serbe. La musique est un antidote à la peur. « Il n’y avait plus d’école, alors on s’amusait avec mes sœurs à déchiffrer des partitions. » Dès l’automne suivant, après soixante-dix-huit jours de guerre, les Radulovic décident de s’exiler. L’Allemagne a suspendu les visas, ce sera la France.
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