Fête foraine arty
Luna Luna, parc d’attractions créé en 1987 sous la houlette de l’artiste autrichien André Heller, se pose au centre culturel The Shed, dans le quartier ultramoderne d’Hudson Yards, à l’ouest de Manhattan. Jusqu’au 5 janvier, les visiteurs peuvent y admirer un portique d’entrée signé Sonia Delaunay, une grande roue créée par Jean-Michel Basquiat, un carrousel de Keith Haring, un dôme diamanté de Salvador Dalí, la façade d’un palais des glaces conçue par Roy Lichtenstein ou un pavillon multicolore de David Hockney. On ne peut plus monter sur les manèges en raison de leur fragilité et des normes actuelles de sécurité, mais l’entrée reste coûteuse : 44 dollars par adulte, 35 par enfant (42 et 33 euros). De même que le merchandising vendu en ligne (288,95 euros le tee-shirt vintage dessiné par Keith Haring), à rebours du projet initial.
Pouvoir d’attraction
Dans le catalogue de l’exposition originelle, André Heller déplore le fait qu’« un parc d’attractions soit considéré à tort comme quelque chose de moins sérieux qu’une exposition au Centre Pompidou ». Son ambition était de créer un espace où l’art contemporain, en rencontrant l’atmosphère des fêtes foraines, deviendrait moins élitiste. Son nom fait référence aux populaires Luna Parks, nés aux Etats-Unis au début du XIXe siècle. Luna Luna se présentait également comme un espace de liberté novateur. Une chapelle signée André Heller permettait à chacun d’épouser qui il souhaitait, à une époque où le mariage homosexuel était interdit. Le parc ouvre ses portes à l’été 1987 à Hambourg, en Allemagne, sur une ancienne zone de déportation choisie par son instigateur, fils de rescapé de la Shoah. Il attire 30 000 visiteurs.
Isolement texan
Après seulement deux mois d’exploitation et malgré son succès, le parc se heurte au conservatisme des pouvoirs publics, également refroidis par le coût du projet. La ville de Vienne, qui devait l’acquérir, y renonce pour des raisons politiques. La tournée européenne initialement prévue est également annulée. En 1990, André Heller, pris à la gorge financièrement, se résout à vendre les attractions pour 6 millions de dollars à la Fondation Stephen et Mary Birch, qui souhaite l’exposer à San Diego, en Californie. Mais un différend éclate sur les droits des œuvres et le prix d’entrée du parc. Après des années de procédures juridiques, la fondation est contrainte de finaliser l’achat, mais Luna Luna, projet désormais empoisonné, finit stocké dans un entrepôt texan, envahi de tatous et de serpents à sonnette.
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