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De nombreuses manifestations sont organisées samedi 23 novembre, en amont de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre. Deux affaires médiatisées depuis la rentrée reflètent l’ampleur des violences sexistes et sexuelles en France : la révélation d’accusations de violences sexuelles contre l’abbé Pierre et le procès de Dominique Pelicot, accusé d’avoir drogué sa femme pour qu’elle soit violée par plus de cinquante hommes, coaccusés.

Qu’il s’agisse d’agressions, de harcèlement, de viols, de violences conjugales pouvant conduire jusqu’au féminicide, les violences faites aux femmes sont diverses et massives.

En 1993, l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, laquelle est définie comme tous les « actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ».

En France, différents chiffres, bien qu’ils ne traduisent que partiellement la réalité, permettent d’évaluer le nombre de femmes victimes.

Pourquoi est-il difficile de mesurer les violences sexuelles et sexistes ?

Les principales données dont on dispose sur les violences faites aux femmes sont issues de deux types de rapports annuels effectués par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Le premier est un bilan statistique nommé « Insécurité et délinquance », fondé sur les plaintes enregistrées chaque année en France par la police et la gendarmerie nationale (qui ne prend pas en compte d’autres actes comme les mains courantes).

Ce bilan n’est toutefois pas exhaustif : les victimes ne portent pas plainte systématiquement ou le font parfois bien plus tard. Le nombre de plaintes pour des faits anciens de violences sexuelles a très nettement augmenté dans le sillage des révélations de #metoo. En 2023, la moitié des victimes ont déposé plainte plus de six mois après les faits, et 17 % avec plus de cinq ans de délai (contre 9 % en 2016).

Pour mieux appréhender la réalité, l’Etat produit chaque année un second rapport issu d’une enquête dite de « victimation ». Nommée « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS), elle consiste à interroger un échantillon de personnes âgées de 18 ans à 74 ans en France sur les crimes et délits dont ils ou elles ont été victimes au cours de leur vie.

Des violences sexuelles qui ne cessent d’augmenter

Selon la dernière enquête VRS parue fin 2023, 270 000 femmes affirment avoir été victimes de violences sexuelles physiques (viol, tentative de viol, agression sexuelle) tandis que 1,14 million de femmes disent avoir subi des violences sexuelles non physiques (harcèlement sexuel ou exhibition sexuelle) en 2022.

Le Monde

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Mais seule une petite minorité porte plainte au commissariat ou à la gendarmerie : 6 % pour les violences sexuelles physiques et 2 % pour les violences sexuelles non physiques. Les autres estiment que « ça n’aurait servi à rien » (23 %), que « ce n’était pas assez grave » (23 %) ou que leur témoignage n’aurait « pas été pris au sérieux » (15 %).

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Les données recensées par les forces de l’ordre sont donc logiquement moins nombreuses que les résultats de ces enquêtes déclaratives, mais montrent tout de même une augmentation dans le temps : 114 100 plaintes pour violences sexuelles ont été enregistrées en 2023, à 85 % déposées par des femmes – une proportion qui se retrouve d’année en année.

Dans un contexte de libération de la parole permis par le mouvement #metoo depuis 2017, le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées par la police et la gendarmerie a augmenté de 7 % en 2023 par rapport à 2022. Ce qui n’est pas non plus sans lien avec l’enregistrement d’une part croissante de faits anciens.

Les mineures sont les principales victimes

Parmi les 114 100 victimes de violences sexuelles enregistrées en 2023 par les forces de l’ordre, 65 300 sont mineures, avec toujours une proportion bien plus élevée pour les femmes. Cependant, les hommes sont aussi nombreux à être victimes de violences sexuelles entre 9 et 19 ans.

En revanche, les agresseurs sont quasi exclusivement des hommes : 76 621 personnes ont été mises en cause par la police et la gendarmerie pour des violences sexuelles élucidées en 2023 : 96 % sont des hommes et 27 % ont entre 30 et 44 ans.

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En outre, selon les déclarations enregistrées dans l’enquête VRS 2023, 52 % des victimes de viols, tentatives de viol ou agressions déclarent connaître leur agresseur. Dans 13 % des cas, l’auteur des violences est le partenaire, dans 15 %, un ex-partenaire, et dans 11 %, un ami. Le rapport signale que dans l’ensemble des violences sexuelles physiques, les femmes sont six fois plus souvent victimes que les hommes.

Les féminicides au centre des violences conjugales

En moyenne, une femme est tuée tous les trois jours par son compagnon ou ex-compagnon. En 2023, 93 femmes ont été victimes de féminicide, 319 victimes de tentatives de féminicide selon un rapport de la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof). Des chiffres sous-estimés selon certaines associations féministes : le collectif NousToutes a décompté pas moins de 135 féminicides en 2023 et en annonce déjà 122 pour l’année 2024, au 20 novembre.

Le rapport de la Miprof ajoute à ce décompte les 773 victimes de harcèlement par conjoint ou ex-conjoint ayant conduit au suicide ou à sa tentative.

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Une autre enquête du ministère de l’intérieur, nommée « Genese (genre et sécurité) », menée en 2021, estime que 3,6 millions de femmes âgées de 18 à 74 ans, soit 15,9 % d’entre elles, ont déclaré avoir vécu au moins une fois depuis l’âge de 15 ans des violences physiques ou sexuelles commises par un partenaire. Le nombre de victimes de violences conjugales enregistrées en 2022 a augmenté de 15 % par rapport à 2021.

Le sexisme : une violence qui en entraîne d’autres

Bien qu’invisibles de prime abord, les violences psychologiques ne sont pas à sous-estimer. L’enquête VRS révèle que la grande majorité des femmes qui ont subi des violences conjugales ont déclaré des dommages psychologiques très importants (36 %) ou plutôt importants (42 %). La loi de 2018 contre les violences sexistes et sexuelles a créé des infractions spécifiques pour outrage sexiste afin de réprimer le harcèlement dit « de rue ». Depuis, 2 600 infractions de ce type ont été enregistrées en France par les services de sécurité.

Les stéréotypes de genre et les situations de « sexisme ordinaire » persistent également, comme le rappelle le « Rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France » du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) : « L’opinion reconnaît et déplore l’existence du sexisme, mais ne le rejette pas en pratique, phénomène particulièrement prépondérant chez les hommes interrogés. Ce décalage entre perception, déclarations et pratique a des conséquences tangibles en termes de violence symbolique, physique, sexuelle, économique. Du sexisme quotidien, dit “ordinaire”, jusqu’à ses manifestations les plus violentes, il existe un continuum des violences. »

Le « baromètre sexisme », sur lequel repose ce rapport, montre qu’une majorité des femmes en font l’épreuve au quotidien : 57 % ont déjà subi des blagues ou remarques sexistes (et jusqu’à deux sur trois au sein des catégories socioprofessionnelles supérieures), 41 % des sifflements et gestes déplacés de la part d’un homme, 29 % des remarques inappropriées faites sur leur tenue ou leur physique…

L’édition 2024 du rapport du HCE révèle que cette année encore une immense majorité des Françaises et Français constatent des inégalités : 92 % de la population considère que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière dans au moins une des sphères de la société. Neuf femmes sur dix expriment avoir déjà renoncé à des actions ou modifié leur comportement pour ne pas être victimes de sexisme.

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