Au moins 43 personnes, dont 7 femmes et 3 enfants, ont été tuées jeudi et 16 ont été blessées – 11 d’entre elles se trouvent dans un « état critique » – au cours du dernier épisode des violences entre chiites et sunnites qui endeuillent régulièrement le nord-ouest du Pakistan.
« Deux convois transportant des chiites (…) ont été pris pour cible » à Kourram, dans la province du Khyber Pakhtunkhwa frontalière de l’Afghanistan, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Javed Ullah Mehsud, membre de l’administration locale, qui a précisé que « la plupart des victimes étaient des chiites ». Un officier de police sur place a confirmé le bilan à l’AFP, sous couvert d’anonymat, précisant que des policiers avaient été tués.
« Une dizaine d’assaillants ont tiré à l’aveuglette depuis les deux côtés de la rue », a-t-il ajouté, alors que, depuis des mois désormais, les familles des deux confessions ne circulent plus dans les zones habitées par l’autre camp que sous escorte policière.
« Le réseau de téléphonie mobile a été coupé, un couvre-feu a été imposé sur la route principale » et la circulation est « suspendue », a déclaré un autre membre de l’administration locale sous couvert d’anonymat.
« Des coups de feu ont soudainement éclaté (…) deux balles m’ont touché à l’estomac et à la jambe », a raconté à l’AFP Ajmeer Hussain, qui attendait depuis une semaine le départ d’un convoi sous escorte pour rejoindre Peshawar, la capitale provinciale, plus à l’est.
La fusillade a duré « environ cinq minutes » et « j’ai récité mes dernières prières parce que je pensais que mon heure était arrivée », poursuit ce Pakistanais de 28 ans, désormais hospitalisé. « Je me suis allongé aux pieds des deux passagers assis à côté de moi. Ils se sont fait tirer dessus et sont morts sur le coup », rapporte-t-il encore. « Vingt minutes plus tard, j’ai entendu les voix des habitants du quartier qui m’ont sorti du véhicule. »
Cette attaque d’« un convoi de citoyens innocents est un acte qui relève de la pure brutalité », a réagi le premier ministre, Shehbaz Sharif. M. Mehsud, lui, affirme qu’une jirga, un conseil tribal, « a été convoquée pour rétablir la paix et l’ordre ». Dans la région montagneuse, où le code d’honneur tribal l’emporte souvent face à la loi que l’Etat peine à imposer, ces réunions servent à arracher des trêves.
Disputes autour de terres
De juillet à octobre, 79 personnes sont mortes dans des violences entre tribus chiites et sunnites dans cette région, selon la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), principale ONG de défense des libertés du pays.
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A chaque fois, des heurts tribaux et confessionnels éclatent, à coups d’arme légère ou lourde, notamment d’obus de mortier, puis cessent lorsqu’une trêve est arrachée par une jirga. Quelques semaines ou quelques mois plus tard, les violences éclatent de nouveau.
Kourram a ainsi été endeuillé en juillet, en septembre et en octobre par ces heurts entre tribus d’obédiences différentes. Elles se disputent notamment des terres. En octobre, 16 personnes, dont 3 femmes et 2 enfants, avaient été tuées lors de l’attaque d’un convoi sunnite protégé par des paramilitaires.
La HRCP exhorte les autorités à « se pencher en urgence » sur le sort de Kourram, en « crise humanitaire », dénonçant la « fréquence alarmante de ces affrontements ». « Le fait que des groupes rivaux locaux aient manifestement accès à des armes lourdes indique que l’Etat n’a pas été en mesure de contrôler la circulation d’armes dans la région », regrette l’ONG.
Durant cette semaine, plusieurs attaques ont secoué le nord-ouest montagneux du pays, tuant au moins 20 soldats, tandis que sept policiers ont été enlevés une journée entière.
« Le traumatisme et la violence prolongés auxquels les habitants sont soumis depuis plus d’un an ne doivent pas devenir une normalité », avertit la HRCP. Au Pakistan, pays musulman à majorité sunnite, les chiites se disent de longue date victimes de discrimination et de violences.