« Un racontar, c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. A moins que ce ne soit l’inverse ? Qui sait ? Certainement pas moi. » Voilà la définition que l’écrivain danois Jorn Riel (1931-2023) aimait à donner de ses Racontars arctiques, chronique fantasque et rocambolesque de la rude vie des trappeurs du Groenland dans les années 1950 qu’il a lui-même partagée pendant seize ans. Ces récits dont le nombre avoisine la soixantaine (publiés en version originale entre 1974 et 1996) constituent une source d’inspiration inépuisable pour les artistes, conteurs, marionnettistes et autres. Ils ont ainsi été adaptés dans leur intégralité en bande dessinée par le scénariste Gwen de Bonneval et le dessinateur Hervé Tanquerelle (Racontars arctiques. L’intégrale, Sarbacane, 2019).
En s’inspirant à la fois du texte originel de Jorn Riel et de son adaptation en bande dessinée, le collectif québécois La Ruée vers l’or, mené par la metteuse en scène et comédienne Anne Lalancette et le compositeur et multi-instrumentiste Alexandre Harvey, a imaginé sa propre version marionnettique des Racontars arctiques. On y retrouve quelques-uns des personnages récurrents de ces histoires de trappeurs comme Valfred, Anton, William le Noir, Fjordur, Bjorken, Museau, Mads Madsen, Petit Pedersen. Ils sont incarnés sur scène par une impressionnante galerie de marionnettes et de masques en mousse conçus par Sophie Deslauriers et manipulés à vue par un dynamique trio d’artistes : Jérémie Desbiens, Frédéric Jeanrie et Anne Lalancette.
Leurs péripéties sur la banquise du Grand Nord sont rythmées par la bande-son fabriquée en direct par Alexandre Harvey qui parvient à produire toutes sortes de bruits et de sons au moyen d’ustensiles les plus variés (et parfois insolites comme du papier bulle pour imiter le crissement des pas dans la neige) et d’instruments comme la scie égoïne, la guitare ou le mélodica.
Mésaventures loufoques
On rit de bon cœur face aux mésaventures souvent loufoques et désopilantes de cette bande de joyeux gaillards, plutôt portés sur la bouteille. Pour ne pas sombrer dans la folie qui les guette dans le froid et la nuit polaires, ils n’hésitent pas à lever le coude plus que de raison et à s’inventer des histoires à dormir debout. Même la mort de l’un d’entre eux, Museau (qui finit noyé dans les eaux gelées après avoir voulu faire sa toilette annuelle sur la banquise à l’écart du regard des autres trappeurs), est célébrée lors d’une soirée d’ivresse collective mémorable à laquelle la dépouille elle-même est conviée.
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