Aux abords du Parlement, à Dacca, l’atmosphère est légère. Des jeunes se prennent en photo, le drapeau vert et rouge du Bangladesh à la main, devant le bâtiment aux formes géométriques signé par l’architecte Louis Kahn. Des familles déambulent entre les vendeurs de ballons, le long de l’avenue Manik Mia, profitant de leur jour de repos hebdomadaire. Le complexe institutionnel, gardé par les forces armées, n’accueille plus d’élus depuis trois mois. La révolution étudiante, qui a chassé la première ministre Sheikh Hasina le 5 août, a rendu caduque l’assemblée qui y siégeait. Le gouvernement intérimaire, dirigé par l’économiste Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix 2006, a pris les rênes du pays, le 8 août.
Signe que les temps ont changé, les slogans du Parti nationaliste du Bangladesh (PNB), principale formation de l’opposition durant l’« ancien régime », résonnent sur l’avenue, ce vendredi 8 novembre. Le PNB a organisé un rassemblement de plusieurs centaines de milliers de personnes dans la capitale bangladaise. « Auparavant, mes parents ne m’auraient jamais laissé venir à une manifestation du PNB », se réjouit Mohamed Muzahid, 28 ans, un militant de ce parti dont les membres faisaient l’objet d’une véritable traque par le pouvoir déchu. « Désormais, les citoyens ont le droit de parler librement, c’est une grande chance pour nous d’avoir comme dirigeant Muhammad Yunus », abonde Karima Akhtar Oni, une étudiante de 18 ans en promenade.
Quelque cent jours après la chute de la dirigeante honnie, la tâche du gouvernement provisoire demeure colossale. Il lui faut assurer la transition démocratique d’un pays dont les institutions ont été dévoyées quinze années durant par un régime devenu de plus en plus autocratique et dont l’économie est chancelante. La police, l’administration publique, le système judiciaire ont été façonnés au fil du temps par celle qu’on appelle la « bégum de fer ».
« Les changements ne sont pas aussi rapides que nous l’avions prévu car les forces de l’ordre, l’administration civile mais aussi la justice fonctionnaient comme dans une monarchie et ne servaient que les intérêts de la monarque », abonde Syeda Rizwana Hasan, chargée des questions environnementales et porte-parole d’un gouvernement intérimaire dont beaucoup de membres sont issus de la société civile.
Dix commissions ont été créées, chacune d’entre elles planchant sur une réforme-clé, comme le système électoral, l’administration publique, la police, la Constitution, la lutte contre la corruption ou la justice. Elles remettront leurs conclusions au gouvernement d’ici au 31 décembre. Ce dernier devra ensuite trouver un consensus avec l’ensemble des partis politiques, y compris le principal parti islamiste Jamaat-e-Islami. La Ligue Awami (Bangladesh Awami League, BAL), formation de Sheikh Hasina, aujourd’hui exilée en Inde, est exclue de ce processus.
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