« It’s the economy, stupid » (« c’est l’économie qui compte, idiot »), comme l’avait résumé un conseiller du président (démocrate) Bill Clinton en 1992. La plupart des études électorales qui ont suivi l’élection présidentielle américaine de 2024 le montrent : les facteurs économiques, en particulier la hausse des prix, ont pesé sur le vote des électeurs en faveur de Donald Trump.
Depuis la mi-2022, l’économie américaine est florissante : les prévisions de croissance à l’échelle fédérale sont optimistes, et les perspectives sur l’emploi sont bonnes. Le chômage baisse depuis le début de l’été (où il était à 4,3 %) pour atteindre 4,1 %, un taux qui ferait déjà rêver nombre de gouvernements européens – ce chiffre était monté à 14,8 % en avril 2020.
Mais l’inflation a été l’un des marqueurs économiques des quatre ans de la présidence Biden. Depuis le mitan de l’année 2023, elle est revenue à des niveaux acceptables après avoir atteint plus de 9 % en juin 2022, après le double choc de la pandémie et de la guerre en Ukraine. En octobre 2024, elle est retombée à 2,6 %.
Il existe aussi une dimension psychologique dans le ressenti de l’inflation, qui peut expliquer que, malgré une économie qui va bien, les électeurs se sont tournés vers le candidat qui décrivait un tableau très noir, Donald Trump. Des études ont montré que les consommateurs gardent en tête un « prix de référence » pour des produits de consommation courante : ils peuvent accepter une hausse, mais à un rythme raisonnable. Lorsque ce prix grimpe trop rapidement, ils se sentent lésés. Or, c’est ce qui s’est passé dans les quatre dernières années.
Un sondage YouGov d’août 2024 confirme l’existence de cet écart entre inflation et ressenti, puisque l’écrasante majorité des personnes sondées estimaient qu’elle était bien supérieure aux 2,9 % de hausse mesurée à ce moment-là, 11 % estimant même qu’elle était de plus de 16 % par an, soit cinq fois plus que la réalité.
Des salaires qui augmentent davantage que l’inflation
Tirée par une productivité des salariés américains qui progresse, la croissance des salaires a repris le dessus sur l’inflation pendant la présidence Biden, laissant suggérer que cet accroissement permettrait de compenser la hausse des prix.
Néanmoins, ces gains salariaux ne sont pas uniformes, selon les calculs du New York Times ; les travailleurs les moins payés ont connu parmi les plus fortes hausses (par exemple dans les secteurs des loisirs ou de l’hôtellerie), alors que d’autres secteurs ont vu leurs salaires baisser par rapport à l’inflation, comme dans la publicité ou dans l’industrie chimique.
Une répartition des revenus qui demeure très inégalitaire
En quatre ans, le PIB américain a fortement augmenté – à hauteur de 154 milliards de milliards de dollars (environ 146 milliards d’euros) au deuxième trimestre 2024, contre 104 au premier trimestre 2020, et les niveaux de salaires ont globalement rattrapé l’inflation. Mais la répartition des revenus n’a presque pas changé dans un pays où les inégalités économiques sont déjà importantes.
En 2020, le 1 % des Américains les plus riches captaient plus de 23 % des revenus, et ce chiffre est resté stable jusqu’en juin 2024. A l’autre bout de l’échelle sociale, les 20 % des plus pauvres percevaient 3,2 % du revenu national au début de 2020 – ce chiffre est de 3,1 % à la mi-2024.
A titre de comparaison, dans des pays développés moins inégalitaires, les études montrent une inégalité qui se creuse mais qui reste néanmoins loin des standards états-uniens. Ainsi, le 1 % des Français les plus riches captaient 12,7 % des revenus en 2023, selon les calculs de l’économiste Thomas Piketty.