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Histoires Web vendredi, novembre 15
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Faut-il parler de tristesse avant d’évoquer la colère et peut-être même la rage ? Ou faut-il commencer par cet immense désarroi dans lequel sont plongés, depuis près de deux mois, les Libanais et Franco-Libanais de France, et qui pousse certains à resserrer contacts et liens au sein de la communauté pour s’informer, s’organiser, se réchauffer, quand d’autres se replient sur eux-mêmes, rongés par un sentiment d’impuissance ?

Depuis le 23 septembre, date de l’escalade de la guerre entre Israël et le Hezbollah et du début des bombardements massifs sur le Liban, la communauté libanaise de France (entre 50 000 et 60 000 membres) vit en apnée, les yeux rivés sur les chaînes arabes, les boucles WhatsApp et les sites Internet relayant les informations du pays. Les nuits sont courtes et angoissées – quel nouveau bombardement, quel quartier, quelle nouvelle catastrophe ? –, les journées entrecoupées de messages provenant de Beyrouth ou des régions du Sud, où vivent certaines familles. D’alertes Instagram, aussi : ici, en région parisienne, a lieu une collecte de vêtements pour les déplacés du Liban ; là, on peut envoyer de l’argent à destination d’écoles beyrouthines transformées en refuges…

« Mon premier réflexe, le matin, est d’appeler mon frère à Beyrouth, raconte Jocelyne Moubarak, venue poursuivre en France des études de sciences politiques, en 1996, et jamais repartie depuis. C’est plus fort que moi. Début septembre, je me passionnais pour les soubresauts de la politique française. Et, en l’espace de quelques heures, je n’ai plus pensé qu’au Liban. Je m’en étonne moi-même. » Cette guerre, analyse-t-elle, a fait remonter une anxiété, des traumatismes et tant d’images douloureuses. « C’est un retour à l’enfance, et un rappel de ce que le Liban a raté… Le lien que je croyais distendu avec mon pays natal se révèle viscéral. Je ne pensais pas que cela ferait aussi mal. »

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C’est aussi ce qu’exprime Maria Nehme, 34 ans, venue en France après son bac, et dont la famille est restée au Liban. « C’est si difficile de vivre un tel événement à distance ! Je vibre pour le Liban. Mes racines sont là-bas. C’est de l’ordre du charnel. Mais que faire ? Je vis dans une inquiétude folle, désolée devant mon impuissance. Je m’informe avec frénésie, je téléphone, et, même si ma famille semble en sécurité, on a tous des amis ou des amis d’amis impactés, déplacés ou tués. Je voudrais tant aider ! Et j’aimerais trouver davantage d’échos de cette guerre en France. Mais c’est très compliqué d’en parler ici. Le débat est vite sulfureux, il faut prendre des pincettes. Qui ressent ici la vraie tragédie du Liban ? »

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