LCP – MERCREDI 13 NOVEMBRE À 20 H 30 – DOCUMENTAIRE
« Si, mi, fa#, sol, si, do ». Si tout le monde identifie les six notes de musique de la publicité, associées, depuis les années 1970, aux collants Dim, qui connaît Bernard Giberstein, le fondateur de la marque ? Même ses fils ignoraient les détails de son enfance, dont il refusait de parler. Seuls deux portraits de ses parents en témoignaient (en silence). Jusqu’à ce que le plus jeune, Daniel Giberstein, cherche à comprendre pourquoi leur père s’est suicidé fin janvier 1976 – sans plus de précision –, à l’âge de 59 ans.
Il en rapporte un film hommage assumé, dans lequel il relate la fantastique saga industrielle et révèle ce qu’il a découvert : ce père, né à Varsovie le 26 mai 1916, a quitté la Pologne en 1935 pour poursuivre ses études à Bruxelles. C’est ce qui va le sauver, alors que sa famille sera exterminée pendant la Shoah, à l’exception de son frère, Artech, émigré en Israël.
Cette terrible découverte est le point de départ du film, durant un quart d’heure hélas alourdi par l’intonation excessive, voire hystérique du comédien Francis Huster à la narration. Jusqu’au début de l’histoire industrielle, passionnante.
Double vie
Dès lors, face à la caméra, Daniel Giberstein raconte la double vie de son père : d’un côté le résistant, prisonnier, condamné, puis miraculé, et dépressif à vie ; de l’autre, l’étonnant visionnaire industriel, énergique et souriant. Pour étayer le récit, les archives familiales montrent son épouse, Sarah, et leurs fils sur un voilier, au ski, en voyage… sur une musique originale de Vladimir Cosma.
La force du documentaire réside toutefois dans les témoignages d’une vingtaine d’anciens directeurs ou d’employés des usines de production Begy (initiales du fondateur en phonétique). Ils vont dévoiler avec émotion les dessous de la « story », depuis la découverte du Nylon, apporté par les GI à la Libération, jusqu’à ce que Dim devienne leader mondial du collant, à l’aube des années 1970. En passant par l’implantation de douze usines Gibor (« héros », en hébreu) en Israël, et le rachat par le baron Bich.
« On travaillait, mais dans la bonne humeur » ; « Il était humain » ; « Il se préoccupait des problèmes du personnel »… L’admiration sans borne des anciens pour leur patron livre, en creux, la recette d’un paternalisme alors apprécié. Au-delà, on note de réelles avancées sociales, comme la parité des salaires hommes-femmes (toujours pas atteinte aujourd’hui en France).
« Il y a, comme ça, quelques hommes, rares, qui ne font pas qu’un produit mais révolutionnent la société », commente Maurice Lévy, président d’honneur de Publicis, alors que l’entente prolifique entre Bernard Giberstein et Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de l’agence Publicis, a marqué pour toujours l’histoire de la publicité.
Dim Story, le silence des tableaux, documentaire de Daniel Giberstein et Bernard Cazedepats (Fr., 2024, 59 min). Sur Lcp.fr jusqu’au 27 décembre.