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La vague d’eau et de boue qui, selon les dernières ­estimations, a provoqué plus de 210 morts et 89 disparus dans la province de Valence (Espagne), le mardi 29 octobre, a réveillé un traumatisme enfoui dans la mémoire des habitants de la ville. Le 14 octobre 1957, deux crues consécutives du fleuve Turia, qui traversait encore le centre de la cité pour se jeter dans la Méditerranée, déversèrent des millions de mètres cubes d’eau dans les rues, provoquant la mort de 81 personnes.

Les médias de l’époque parlèrent de « scènes apocalyptiques », de maisons démolies par les flots et de ponts arrachés par le courant. « J’avais 17 ans. Les rues étaient des rivières. L’eau a dépassé le premier étage des maisons. On devait se déplacer en barque, se souvient José Andujar, 84 ans, président de la Communauté des irrigateurs du Levant, à Valence. Après cela, Franco [alors chef de l’Etat espagnol] a pris la décision, contre l’avis des Valenciens, de dévier le Turia et son embouchure plus au sud, sur des terres très convoitées, là où se trouvaient les meilleurs orangers… Finalement, ça a sauvé beaucoup de vies le 29 octobre. »

Tous les experts s’accordent en effet sur le fait que la déviation du Turia il y a soixante-dix ans a permis de sauver le centre-ville de Valence de la catastrophe. Le « Plan Sud », programme d’ingénierie hydraulique colossal mis en œuvre entre 1958 et 1969 par le régime franquiste, a modifié le cours du fleuve sur treize kilomètres, de Quart de Poblet à la mer, afin de contourner la ville par le sud, et d’augmenter sa capacité de drainage. Des infrastructures construites en amont ont servi à laminer les crues ; parmi celles-ci, le barrage de Forata a permis de retenir près de 30 hectomètres cubes d’eau, le 29 octobre.

L’ancien lit du Turia, transformé en grands jardins et promenades, où se trouve notamment la Cité des arts et des sciences dessinée par l’architecte Santiago Calatrava, a été préservé, tandis que le nouveau a absorbé un débit de près de 2 000 mètres cubes par seconde (m3/s), sans déborder. « La déviation du fleuve et l’augmentation de sa capacité de drainage ont fonctionné », reconnaît le géologue Antonio Aretxabala, expert en catastrophes naturelles. « La canalisation du Turia, réalisée en creusant le terrain naturel sans faire barrière aux eaux provenant du sud, a sauvé la ville de Valence d’une tragédie bien plus grande. Le débit enregistré est resté très ­au-­dessous de la capacité du ­nouveau canal, qui atteint 4 500 m3/s », assure Miguel Angel Carrillo, président de l’ordre des ingénieurs civils.

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