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Histoires Web mardi, novembre 5
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Il est assez rare de croiser, en haut de la double volée d’escaliers roulants qui mènent à la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, un groupe de mélomanes armés de pancartes stipulant en lettres capitales : « Cherche place ». C’était pourtant le cas, samedi 2 novembre, à l’entrée du concert qui réunissait Alexandre Kantorow et les Münchner Philharmoniker dirigés par Tugan Sokhiev. Depuis son écrasante victoire au Concours Tchaïkovski de Moscou en 2019, premier Français vainqueur à 22 ans de la prestigieuse manifestation internationale, le jeune pianiste n’a jamais dévié de sa trajectoire stellaire, renouvelant à chaque passage de comète le miracle d’un talent hors du commun.

Lire le récit (en 2019) : Le pianiste Alexandre Kantorow, tsar du Concours Tchaïkovski

Après une Ouverture de Rouslan et Ludmila, de Mikhaïl Glinka, brillante quoique guettée par l’embonpoint, le changement de plateau pour amener le piano au proscenium semble interminable. Un curieux sentiment de crainte et d’espoir, comme seuls en suscitent les génies, s’est emparé de la salle : en quelles contrées connues de lui seul Kantorow va-t-il transporter la Rhapsodie sur un thème de Paganini, de Rachmaninov ? Fine silhouette flottant dans un pantalon trop court, le pâle jeune homme en noir a fait son entrée sous les vivats. Il y a toujours chez ce pianiste quelque chose d’un Pierrot lunaire pensif. Et c’est juste charmant.

Composée en 1934 sur le thème dansant du 24e Caprice pour violon, de Paganini, le chef-d’œuvre de Rachmaninov déploie vingt-quatre variations aussi inventives que virtuoses, à l’aune des légendaires prouesses du célèbre « violoniste du diable ». L’œuvre est bourrée de chausse-trapes que le pianiste affronte avec un naturel total et une jubilation si profonde qu’elle fait de lui un médium au sens plein du terme, le conducteur d’une énergie vitale que le piano transforme en sons.

Lire la critique (en 2020) : Article réservé à nos abonnés Le jeune prodige du piano Alexandre Kantorow embrase la musique

Dès l’introduction dépouillée, asyndétique, qui semble déposer presque humoristiquement le squelette du thème au piano (prémonition de l’incipit du Dies iræ grégorien qui hantera l’œuvre par trois fois ?), Kantorow est souverain. De clarté (on entend tout, même ce qui n’est pas joué stricto sensu). De virtuosité (les difficultés techniques sont « avalées » sans la moindre résistance). De flexibilité (comment fait-il pour animer la ligne avec pareille ductilité, élasticité, précision ?). Enfin de poésie – phrasés d’archet, couleurs de cor, rafales de percussions. Et de splendeur sonore, saisissant mélange d’intimité et de lyrisme, de légèreté et de densité, de simplicité et de sophistication.

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