HISTOIRE TV – LUNDI 4 NOVEMBRE À 20 H 50 – DOCUMENTAIRE
Le 22 janvier 1973, une décision de la Cour suprême (arrêt Roe vs Wade), par sept voix contre deux, aboutissait à donner aux Américaines le droit d’avorter dans tous les Etats des Etats-Unis. Ce droit leur semblait acquis à jamais. Or, le 24 juin 2022, la même Cour suprême révoquait cet arrêt, laissant chaque Etat libre d’autoriser, de restreindre ou d’interdire l’avortement, y compris de la manière la plus stricte – après un viol ou en cas de malformation du fœtus notamment.
Le documentaire très instructif de Clara et Julia Kuperberg va au-delà des simplismes courants. A l’aide d’archives, pour beaucoup inédites, de l’implication de Linda Greenhouse, journaliste et Prix Pulitzer, qui a couvert durant trois décennies la Cour suprême pour le New York Times, et du témoignage de l’avocate Kathryn Kolbert, il retrace chronologiquement les étapes de ce revirement a priori impensable, alors que le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est un des marqueurs de la campagne présidentielle outre-Atlantique, qui doit connaître son épilogue mardi 5 novembre.
L’affaire Roe vs Wade oppose, en 1973, Jane Roe (un pseudonyme), qui, voulant avorter, a attaqué en justice l’Etat du Texas et son représentant, le procureur Henry Wade. Déboutée en première instance, la jeune femme verra la Cour suprême se saisir du dossier et statuer en sa faveur. Cet arrêt faisant jurisprudence, il légalise de fait l’avortement, dans un pays où l’on estime alors qu’il y a entre 500 000 et 1 million d’avortements illégaux chaque année.
Instrumentalisation
Randall Balmer, historien des religions, décrypte « le retour de l’avortement dans le débat politique », en montrant l’instrumentalisation qu’en ont fait les religions – dans un pays qui compte 20 % de catholiques, 15 % de protestants et 25 % d’évangéliques –, avec, entre autres, l’engagement du conservateur Paul Weyrich, un catholique melkite cofondateur de la Heritage Foundation, lors des élections sénatoriales de 1978.
L’opportunisme politique ne s’arrête pas là. Les images d’archives rappellent les propos parfois contradictoires des présidents successifs, depuis Ronald Reagan – « un acteur, divorcé et remarié » – à Donald Trump, qui « lui-même était prochoix quand il était un playboy », rappelle le commentaire. Ce que l’intéressé confirme, en 1999, sur le plateau de « Meet the Press » : « Je suis pour le libre choix, même si je déteste l’idée d’avorter. » Les « prochoix » désignent ceux qui approuvent que la femme puisse choisir d’avorter, par opposition aux « prolife », qui défendent le droit à la vie du fœtus.
Concrètement, cette intrusion de l’IVG dans le débat politique va se traduire par un grignotage lent et parfois violent du droit des femmes à disposer de leur corps. Parallèlement, l’accession à la Maison Blanche de Donald Trump en 2017 lui permettra de faire élire trois nouveaux membres à la Cour suprême et lui fournira une large majorité. « L’interdiction de l’avortement est le résultat de Trump », insiste Kathryn Kolbert. « Et croyez-moi, il ne s’arrêtera pas là », prédit en meeting Kamala Harris, la candidate démocrate à la présidentielle du 5 novembre.
Etats-Unis, la bataille de l’avortement, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2024, 54 min). En replay 60 jours sur Histoire.tv.