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S’il y a une chose que personne ne conteste à Sir Cameron Mackintosh, c’est bien son flair. De Cats (1981) à Mary Poppins (2004), en passant par The Phantom of the Opera (1986) ou Miss Saigon (1989), celui que le New York Times désignait déjà en 1990 comme le « plus puissant et influent producteur du monde » a mis en orbite les comédies musicales les plus emblématiques de ces quarante dernières années. Ce Britannique de 77 ans s’est imposé comme le chef de file de l’école anglaise des musicals : ses shows sont d’abord rodés à West End, quartier des théâtres londoniens, avant de devenir des « machines à cash » à Broadway puis dans le reste du monde. Un système de licences qui a fait de lui l’un des hommes les plus riches d’Angleterre, avec une fortune ­estimée en 2024 à 1,25 milliard de livres (1,5 milliard d’euros) par le Sunday Times.

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Cameron Mackintosh donne ­rendez-vous dans ses bureaux londoniens de Shaftesbury Avenue, un bâtiment collé au Sondheim Theatre, dont il est propriétaire, comme de sept autres théâtres de la ville. La façade de l’immeuble est couverte d’une immense affiche représentant le personnage de Cosette balayant, reproduction d’une gravure du XIXe siècle signée du peintre français Emile-Antoine Bayard. C’est ici que sont joués tous les soirs, à guichets fermés, Les Misérables, version anglaise de ce spectacle créé en 1980 par les Français Alain Boublil (paroles) et Claude-Michel Schönberg (musique).

Ce tableau épique du Paris du premier tiers du XIXe siècle inspiré du chef-d’œuvre de Victor Hugo est à l’affiche à Londres depuis bientôt quarante ans, un record absolu de longévité pour une comédie musicale. « Ce spectacle a eu une vie incroyable, aucun show au monde n’a jamais accompli ça », insiste Cameron Mackintosh, assis au milieu d’un décor un peu toc, tout en miroirs et dorures. Sa bouille de grand enfant farceur s’éclaire quand il évoque son « bébé » et ses succès : joué dans cinquante-trois pays et en vingt-deux langues, vu par plus de cent trente millions de personnes à travers le monde, « Les Miz », surnom donné au spectacle, ont remporté une centaine de prix dont huit Tony Awards (les récompenses théâtrales des pièces jouées à Broadway), et leur adaptation au cinéma, en 2012, a été couronnée par trois Oscars et un carton au box-office mondial.

Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, au café Zimmer, à Paris, le 1ᵉʳ octobre 2024.

On l’a dit, Sir Cameron Mackintosh se trompe rarement sur les goûts du public. Pourtant, son intuition ne lui a jamais été d’aucun secours pour imposer Les Misérables en France. Après le succès de la première mise en scène de Robert Hossein en 1980, la comédie musicale, qui fait son retour en français au Théâtre du Châtelet, du 20 novembre au 2 janvier 2025, a été boudée par son pays de naissance. Etonnant paradoxe pour une œuvre qui incarne la culture française partout ailleurs, comme en témoigne le choix du metteur en scène Thomas Jolly d’en faire jouer un extrait, A la volonté du peuple, lors de la cérémonie ­d’ouverture des Jeux olympiques en juillet. « La France est un pays ­merveilleux, mais la façon dont vous fonctionnez est étrange », soupire Cameron Mackintosh, regard dans le vague, comme saisi d’une mélancolie soudaine. « C’est un peu triste, en un sens : Alain et Claude-Michel sont célèbres dans le monde entier pour avoir écrit l’une des plus grandes comédies musicales de tous les temps mais restent inconnus dans leur propre pays. »

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