Le regard concentré derrière ses lunettes, Lyphane Saing compare minutieusement l’épaisseur de deux semelles qu’il vient de découper dans une plaque de caoutchouc marron. « J’aime le ressemelage, parce qu’il faut être très précis : les nouvelles semelles doivent être exactement identiques aux anciennes et entre elles », précise-t-il en collant l’une des pièces de caoutchouc sous une tennis blanche ornée d’un « V » violet.
Le jeune homme est le dernier embauché de la cordonnerie Veja, à Bordeaux. Engagée en faveur de l’écologie et du commerce équitable, la marque a naturellement trouvé sa place chez Darwin, tiers-lieu tentaculaire où l’on navigue entre brasserie artisanale, incubateur de start-up et salon de tatouage. La boutique vend des paires de sneakers (entre 100 et 200 euros), mais les clients peuvent aussi venir y déposer des chaussures à réparer, qu’elles soient ou non estampillées Veja. « Les baskets les plus écologiques sont celles que vous portez déjà », affiche le comptoir de la cordonnerie. Patientant dans des casiers, les candidates à la réparation sont autant des baskets à virgule ou à trois bandes que des sandales ou des chaussures de randonnée. Prix de l’opération : de 10 euros pour un rapide coup de jeune à 80 euros pour une remise à neuf intégrale.
Coton bio et latex
« Quand on a dit qu’on voulait réparer des baskets, on nous a pris pour des malades », se souvient Bérénice Picard, qui a participé à l’ouverture de l’atelier, en 2020. Il faut dire que, jusque-là, les travaux de cordonnerie étaient réservés aux souliers haut de gamme. Avec leurs matériaux disparates et leurs semelles en caoutchouc capricieuses, les tennis abîmées étaient difficiles à réparer et finissaient le plus souvent à la poubelle. « Veja est pionnière dans sa catégorie. Les baskets ne sont pas un produit qu’on a l’habitude d’apporter chez le cordonnier », confirme Elsa Chassagnette, responsable Fonds de réparation chez Refashion, « l’éco-organisme du secteur textile, linge de maison et chaussures ».
La marque a tout de même souhaité relever le défi, fidèle à sa tradition de réduction maximale de ses impacts sur l’environnement. Cette obsession remonte aux années 2000. Fraîchement diplômés, les futurs fondateurs de la marque, Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion, se retrouvent à mener un audit dans une usine chinoise de textile. Un choc. Ils en ressortent décidés à produire des baskets, parce que c’est leur passion, mais de façon socialement et écologiquement responsable.
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